Off d’Avignon : Madame Bovary en plus drôle et moins long

 
 

« Madame Bovary en plus drôle et moins long »

Le pari osé, brillamment relevé

 

Madame Bovary en plus drôle et moins long est un spectacle audacieux, signé Camille Broquet et Marion Pouvreau, porté sur scène en alternance par Camille Broquet, Sarah Boulnois ou Marion Pouvreau elle-même, et mis en scène par Edward Decesari, qui revisite avec malice l’un des monuments de la littérature française. Ce qui aurait pu ressembler à une trahison d’auteur se transforme en vibrant hommage : intelligent, drôle, résolument moderne, et surtout accessible à tous.

 

Le pitch : une mission (presque) impossible ?

Deux femmes, deux comédiennes pleines d’esprit, ont décidé de relever un défi que des générations de lycéens et de professeurs ont échoué à accomplir sans souffrance : raconter Madame Bovary sans provoquer bâillements ni soupirs désespérés. Autant dire que la mission était périlleuse. Pourtant, à 11h45 chaque jour du 4 au 26 juillet 2025, dans la Salle 2 du Théâtre des Corps Saints à Avignon, elles parviennent à captiver, à faire rire et à émouvoir un public venu parfois avec quelques réserves… et reparti conquis.

 

Un classique dépoussiéré avec amour et ironie

Ce spectacle ne se moque pas de Flaubert. Bien au contraire. Il le célèbre. Il s’appuie sur la modernité inouïe de son écriture, sa lucidité cruelle, son regard impitoyable sur la condition humaine, sur l’amour, l’ennui et la quête de sens. Mais Camille et Marion ou Camille et Sarah selon les jours se l’approprient d’un humour tendre, piquant, parfois absurde, qui fait mouche. Les dialogues s’enchaînent à un rythme effréné, la complicité entre les comédiennes est palpable, leur énergie communicative.

Et surtout, le texte est constamment au service du spectateur : on vulgarise sans trahir, on contextualise sans alourdir, on explicite sans infantiliser. Le ton est celui de deux amies qui vous racontent un roman en y mettant tout leur cœur et toute leur fantaisie.

 

Une scénographie minimaliste, une créativité maximale

Pas de décors imposants ni de costumes d’époque : le plateau est nu. Un choix assumé qui renforce la puissance du jeu. Le vrai décor, ici, c’est l’imaginaire du spectateur, alimenté par une mise en scène subtilement chorégraphiée, un jeu millimétré, une parole à deux voix savamment orchestrées. On voyage dans les pensées d’Emma Bovary, on croise Charles, Léon, Rodolphe et même Homais, avec seulement quelques changements de posture, d’intention, de ton.

Cette économie de moyens donne une formidable liberté de mouvement aux comédiennes et permet de se concentrer sur l’essentiel : le texte, l’humain, les émotions. Chaque scène est à la fois un hommage au roman et un terrain de jeu où l’on glisse de la narration au stand-up, de l’improvisation à la parodie, du théâtre au cabaret.

 

Un spectacle pour tous les publics

Madame Bovary en plus drôle et moins long s’adresse à tous, et c’est sans doute l’une de ses plus grandes réussites. Aux ados qui redoutent leur bac de français, aux parents qui veulent transmettre l’amour des lettres, aux enseignants qui rêvent d’un support vivant pour aborder une œuvre aussi dense qu’essentielle, aux amoureux de Flaubert qui ne craignent pas de voir leur idole traitée avec un humour respectueux.

Le spectacle touche aussi ceux et celles qui, comme les autrices, redécouvrent Emma Bovary à l’âge adulte. Car en vieillissant, le personnage d’Emma ne devient pas forcément plus sympathique… mais elle devient terriblement humaine. Et c’est là que ce spectacle frappe fort : il nous montre qu’on peut rire de l’ennui existentiel, de la médiocrité des rêves bourgeois, de la désillusion amoureuse, sans jamais nier la souffrance qu’ils contiennent.

 

Un duo d’autrices et d’actrices à suivre

Camille Broquet et Marion Pouvreau ne sont pas à leur coup d’essai. Leur précédente création, On dirait ton père, avait déjà conquis le public avec plus de 130 représentations. Leur complicité artistique est évidente, leur écriture vive, incarnée, acérée. Camille Broquet, avec son parcours entre humour et théâtre classique, et Marion Pouvreau, passée par le one-woman-show (Mais t’as quel âge ?!, 250 dates), forment un binôme qui mêle sens du rythme, finesse d’observation et générosité de jeu.

En alternance, Sarah Boulnois vient compléter cette équipe avec une justesse et une énergie remarquées, confirmant la solidité du projet sur la durée.

 

La promesse tenue d’un théâtre vivant et populaire

Il y a dans Madame Bovary en plus drôle et moins long tout ce qu’on peut attendre du théâtre d’aujourd’hui : du fond, de la forme, de l’accessibilité, de la liberté. Et un engagement artistique sincère : celui de rendre la culture vivante, de créer des passerelles entre les générations, entre les disciplines, entre l’humour et la littérature.

Ce spectacle n’est pas qu’une réussite théâtrale. Il est un manifeste : oui, on peut rire avec intelligence, parler de classiques sans chichis, aimer Flaubert sans s’ennuyer. Et surtout, on peut transmettre la passion des textes en racontant Madame Bovary comme une histoire d’aujourd’hui.

 

Pratique :

Du 4 au 26 juillet 2025 à 11h45 au Théâtre des Corps Saints au Festival Off Avignon
Durée : 1h15
Genre : Classique révision duo humour

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