Off d’avignon : Blanc de Blanc

Blanc de Blanc : Quand le silence devient poésie vivante

 

Au cœur du Festival Off d’Avignon 2025, une forme rare, sensible et profondément poétique éclaire les planches du Théâtre Golovine. C’est là que Shu Okuno, artiste japonais installé à Paris, dévoile Blanc de Blanc, une ode muette aux souvenirs, aux êtres invisibles, et à l’art du geste. Ce spectacle sans paroles, à la croisée du mime, de la danse contemporaine et de la peinture vivante, bouleverse par sa sincérité et sa grâce.

Une épopée silencieuse

 

Sur scène, un tailleur. Il est seul, absorbé par son ouvrage. Ce quotidien minimaliste se transforme bientôt en une aventure intérieure, dans laquelle chaque geste chorégraphié évoque les fragments d’une vie, les réminiscences d’un passé suspendu. Shu Okuno, seul en scène, ne parle pas. Il sculpte l’air avec son corps, ses mains, son visage. Ce silence vibrant devient langage. Car Blanc de Blanc ne se regarde pas seulement : il se ressent.

Dans cet univers visuel épuré, chaque tableau est une porte ouverte sur l’imaginaire. Un mot inscrit à la craie : L’heure bleueAmbiance dimancheLe Tailleur, annonce les scénettes, chacune baignée d’émotions nuancées : nostalgie, humour tendre, douce mélancolie. Les sphères blanches, suspendues dans l’espace scénique, imaginées par la scénographe Nanako Ishizuka, dessinent un ailleurs onirique, un monde suspendu, presque céleste. Le geste y devient souffle, rythme, poésie incarnée.

 

Un dialogue intime entre geste et musique

 

Ce spectacle est né d’une rencontre improbable en plein confinement : celle de Shu Okuno et du pianiste Jordane Tumarinson. Sans jamais se croiser physiquement, les deux artistes tissent un langage commun à distance. Le piano de Tumarinson devient le partenaire invisible de ce solo scénique, épousant les mouvements du corps et amplifiant les émotions, sans jamais les illustrer littéralement. La musique ici n’habille pas : elle révèle, elle dialogue.

Le corps comme mémoire

 

Formé auprès de Marcel Marceau et Étienne Decroux, Shu Okuno a longtemps cherché sa propre voie. Son parcours atypique, de Tokyo à Paris, des sciences à la philosophie, du mime à l’art du geste, trouve ici un point d’orgue. Blanc de Blanc est le fruit d’une maturité artistique, où l’intime devient universel. Okuno parle de son spectacle comme d’un hommage à toutes les « petites personnes », ces oubliés du monde qui habitent pourtant nos plus précieux souvenirs. Lui-même arrivé en France sans un mot de la langue, il a appris à dire l’indicible autrement : par le silence, par la peau, par l’ombre et la lumière.

Et puis il y a ce « blanc de blanc », qui n’est pas vide mais rempli. Rempli d’attentes, de soupirs, de beautés invisibles. Ce blanc-là est la toile de nos rêves, sur laquelle s’esquisse, avec pudeur et intensité, une poésie du réel. Comme un haïku en mouvement.

 

Une esthétique de la simplicité

 

La scénographie, pensée comme un espace d’apesanteur, évoque un autre monde, presque lunaire. Les sphères blanches deviennent des satellites, les jeux d’ombres chinoises nous ramènent à l’enfance. Le minimalisme du décor renforce la richesse du geste.

L’ensemble : corps, lumière, musique, silence, forme un tout harmonieux, rare et précieux. Shu Okuno transcende ici les frontières culturelles et linguistiques. Il offre une œuvre qui ne se lit pas, ne s’écoute pas, mais qui s’imprime en nous comme un souvenir lointain. Blanc de Blanc est ce moment suspendu, cette parenthèse de grâce où le monde, pour une heure, semble retrouver du sens.

 

Pratique :

 Du 5 au 25 juillet à 14h, relâche les 7, 14, 21 juillet
Au Théâtre Golovine, Festival Off Avignon

 Durée : 1h

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