Avec Les évangiles du lac Olivier Maulin confirme ce que son premier roman laissait présager : il a autant de talent à créer des personnages déjantés et hilarants qu’à leur faire appréhender le désenchantement du monde à travers un humour caustique.
De En attendant le roi du monde certains se souviennent peut-être de Lucien, le « grutier caché » aux propos énigmatiques et aux rituels païens ; de Romain et d’Ana, jeune couple largué qui s’exile au Portugal en quête d’un nouvel Eldorado. Et surtout d’avoir partagé quelques heures la vie dérisoire et les aspirations débridées de personnages qui, contemplant soudain leur monde, trouvent aussi triste un pays sans roi qu’atroces les défilés de foules en rollers. Maulin reste dans la même lignée avec ce second roman qui narre la dérive initiatique de Pierre, publicitaire parisien en instance de divorce, vers l’Alsace où il croise la route de Suzy, illuminée et attachante, en lutte pour la défense des lutins et des esprits de la forêt ainsi que d’une poignée d’autres personnages aussi grotesques et sublimes dont il a le secret.
Olivier Maulin, Les évangiles du lac, L’esprit des Péninsules, 344 pages, 21 euros.
Dans la lignée de Poe, de Borges et de Marcel Aymé, Bernard Quiriny rend à la nouvelle fantastique ses lettres de noblesse.
Si depuis quelques décennies le roman a le vent en poupe en France – même un peu trop disent certains – ce n’est pas le cas de la nouvelle, genre qui a connu son apogée au XIXe siècle et au début du XXe pour disparaître subrepticement du champ littéraire. Dans une langue apparemment très simple et très classique qui a quelque chose de surprenant au premier abord mais qui colle parfaitement à l’intrigue, Quiriny entreprend de réhabiliter le fantastique à travers des personnages dont la modestie et la banalité n’ont d’égal que l’invraisemblable des histoires auxquelles ils sont confrontés. Et pourtant ! ne peut-on s’empêcher de penser, n’y a-t-il rien de plausible là-dedans ?
Rendant hommage à Thomas de Quincey et Enrique Vila-Matas qui signe sa préface, Quiriny promène ses personnages avec un flegme très anglais d’une histoire à l’autre, à l’image de cet être atypique et mystérieux du nom de Pierre Gould qui surgit à toute époque et en tout lieu avec le plus grand naturel.
Bernard Quiriny, Contes Carnivores, éditions du Seuil, 245 pages, 18 euros.