Picasso et les maîtres

Trois expositions viennent d’ouvrir à Paris, la plus importante au Grand Palais, confrontant les œuvres de Picasso à celles des maîtres qui l’ont influencé.

L’apprentissage de la peinture est très semblable à celui de la musique, consistant à s’approprier les œuvres des maîtres, à les comprendre, les déchiffrer et les travailler pour les réinterpréter. Il arrive ainsi que certaines œuvres hantent et fascinent un artiste au point qu’il décide de se mesurer à elles, les violente, les dissèque, les distende, et les recrée, dans un acte qui est à la fois exorcisme et hommage.

Picasso, dessinateur et peintre de génie qui, à onze ans déjà, recopiait Raphaël et Michel-Ange, qui pensait n’avoir plus rien à apprendre d’eux à quatorze et n’a eu de cesse de chercher de nouvelles formes de création, savait toutefois ce qu’il devait à certains peintres qui l’ont précédé et ont nourri son imaginaire créatif.

Les toiles de Picasso : une véritable galerie de musée
Qu’il s’agisse des Femmes d’Alger de Delacroix ou du Déjeuner sur l’herbe de Manet, de toiles du Greco, de Gauguin, de Renoir, Degas, Goya, Ingres, Zurbarán, Ribera, Vélasquez ou tant d’autres, le père du cubisme a constamment introduit dans ses œuvres des variations sur des thèmes que l’on retrouve chez ses maîtres, créant ainsi des ponts entre passé et présent. Au Greco, Picasso a non seulement emprunté les formes allongées, figures longues et émaciées mais aussi la couleur, notamment ce bleu qui, détourné par Manet, Renoir, Gauguin, les révolutionnaires du XIXe siècle, fut brandi comme l’étendard du renouveau pictural, et que Picasso adoptera au cours de sa période bleue. Merveilleux profanateur des règles, des formes, des symboles, il transgresse les significations des couleurs et impose la pornographie visuelle là où l’érotisme était tout juste suggéré, lorsqu’il reprend les femmes d’Alger ou encore certains dessins de Degas par exemple.

Dire le nu
Picasso, quand il réinterprète certaines toiles célèbres, n’hésite pas à dénuder entièrement les corps, à rendre une nudité crue, presque brutale, cherchant comme il l’explique à dire le nu. Ce qui importe désormais n’est plus d’évoquer la nudité ou le corps mais de dire le sein, dire le ventre. Il y a chez lui une constante de la nudité, de certaines parties du corps, de mettre en évidence un membre, une attitude – un fantasme finalement, et c’est ce qui donne à ses toiles cet aspect obsédant du rêve, d’une vision hypnotique et freudienne des corps, des mouvements et des situations.

Diaporama

Picasso / Manet : Le déjeuner sur l’herbe – musée d’Orsay

De 1954 à 1970, Picasso a tenté de s’approprier par des croquis, peintures et maquettes Le Déjeuner sur l’herbe de Manet. Tantôt chamboulant l’espace du tableau, tantôt dévêtant les personnages puis les rhabillant, leur position varie également dans l’espace, de quatre ils ne restent parfois que trois, puis tout revient en place et prend un nouveau départ. Au total, ce sont une quarantaine de tableaux, dessins, gravures et maquettes réalisés par Picasso que présente le musée d’Orsay. Si l’intention est louable de placer ainsi en confrontation les deux maîtres, il est à regretter qu’aucune explication ne soit donnée aux visiteurs sur cette quarantaine d’œuvres, si bien que ceux-ci se précipitent dans la salle d’exposition mais en ressortent presque aussi vite.

Picasso / Delacroix : femmes d’Alger – musée du Louvre

C’est en 1955 que Picasso, longtemps hanté par Delacroix, entreprend d’exécuter des peintures et dessins préparatoires d’après sa célèbre toile Femmes d’Alger dans leur appartement. Là encore, varient les poses des personnages et les couleurs ; l’espace sur les toiles se distend ou s’amenuise. Gardant les postures de départ des femmes de Delacroix, Picasso les inverse pour obtenir des femmes allongées mais dans un mouvement semblable. Sur la toile de Delacroix, ces femmes oisives dans le palais somptueux, abandonnées à elles-mêmes expriment une lascivité contenue ; Picasso, lui, peint des femmes nues aux jambes écartées, ouvertes et dans l’attente de l’homme. Ces variations sont pour lui l’occasion de rendre hommage à Delacroix, génie de la couleur et à Matisse, un de ses maîtres mort à cette époque.

Les expos

Picasso et les maîtres, Galeries nationales du Grand Palais
Du 8 octobre 2008 au 2 février 2009

Tous les jours de 10h à 22h, le jeudi jusqu’à 20h
Entrée : 12 €. Tarif réduit : 8 €

Picasso / Delacroix : femmes d’Alger, musée du Louvre
Louvre, aile Denon du 9 octobre 2008 au 2 février 2009

Tous les jours de 9h à 18h sauf le mardi. Nocturnes mercredi et vendredi jusqu’à 22h.
Tarifs : 9 euros valable pour tout le musée ou 6 euros après 18h mercredi et vendredi
Informations : 01 40 20 53 17 – www.louvre.fr

Picasso / Manet : Le déjeuner sur l’herbe, musée d’Orsay
du 8 octobre 2008 au 1er février 2009

Tous les jours sauf le lundi de 9h30 à 18h, le jeudi de 9h30 à 21h45
Tarifs : 9 euros valable pour tout le musée ; TR 7 euros

Informations : 01 40 49 48 14 / 48 00 – www.musee-orsay.fr
www.rmn.fr

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