Rappelez-vous la rentrée littéraire 2006. Gallimard avait fait une énorme communication pour un premier roman de quelques 900 pages que l’auteur aurait mis plus de cinq ans à écrire. La critique avait été presque unanime et les Bienveillantes de Jonathan Littell avait obtenu le prix Goncourt.
Pour la rentrée littéraire 2009, Albin Michel semble avoir retenu la leçon en mettant à son tour en avant un écrivain surgi de nulle part avec un énorme premier roman qui, cette fois-ci, ne s’attaque pas à la deuxième guerre mondiale mais à une époque tout aussi tumultueuse politiquement : celle de la guerre d’Algérie et du rideau de fer. La technique de communication est très ressemblante et cette année la critique n’a eu qu’une seule voix pour le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia, lauréat du Goncourt des Lycéens.
En approfondissant un peu la question, on se rend compte que le club des incorrigibles optimistes n’est pas exactement le premier roman du scénariste Jean-Michel Guenassia, pas plus que Les Bienveillantes n’était le premier roman de Jonathan Littell, fils d’un écrivain de polars américains réputé. Et si Littell avait mis plus de cinq ans à produire son roman, Guenassia avoue en avoir passé environ six, ce qui leur fait décidemment beaucoup de points communs.
Et la littérature dans tout ça ?
Ce qu’il y a d’étonnant (quoique à y bien réfléchir peut-être pas) c’est que la presse littéraire semble chaque fois se faire le relais le plus efficace des maisons d’édition.
Il y a trois ans les critiques s’étaient divisés, les uns houspillant les Bienveillantes pour la pauvreté de son style, les autres le louant pour la force de sa trame historique et du portrait psychologique. Cette année, tout le monde semble s’être docilement accordé sur le fait que le club des incorrigibles optimistes est le grand roman de la rentrée. La preuve en serait qu’il s’agit des portraits très exacts d’une époque et d’une multitude de personnages. Et tous les journalistes de nous résumer le roman de la même manière. Evidemment tout le monde n’a pas le temps de lire un tel pavé quand il faut chroniquer des dizaines de romans pour ne surtout pas passer à côté de l’événement de la rentrée littéraire. C’est assez pratique dans ce cas de plagier discrètement les confrères.
Dans ces conditions il n’est guère étonnant qu’aucune des chroniques relatives à ce roman n’ait relevé la faiblesse de son écriture.
La seule critique recensée par nos services émane de la plume de Claire Devarrieux dans Libération.fr : après un long résumé du livre, celle-ci explique que le roman recèle des anachronismes et souffre d’une tendance au cliché. Cette esquisse de critique, bien qu’acceptable, nous paraît un peu légère.
Il faudra donc le dire : le (premier ou non) roman de Jean-Michel Guenassia est bien construit et a l’avantage de parler d’une époque dans laquelle la littérature hésite encore à s’aventurer. Si le thème du livre est la trahison comme l’explique l’auteur, on peut admettre qu’il a atteint son objectif. Que ce soit au prix de quelques portraits non exempts de clichés et de deux ou trois anachronismes n’enlève que peu de choses à cette réussite. En revanche, la très grande faiblesse de ce roman, celle à côté de laquelle il est impossible de passer, est l’écriture, la langue du texte, étonnement pauvre, totalement dénuée de rythme, de style au sens où celui-ci est le propre d’un auteur ; l’écriture de Jean-Michel Guenassia n’est reconnaissable que par sa platitude, sa nullité, sa vacuité, non pas au sens du non-style assumé d’un Houellebecq, mais dans le sens où Guenassia semble ne pas savoir écrire une phrase d’une complexité minimale, qui dépasserait la construction de base sujet+verbe+complément. C’est très dommage car une belle langue aurait pu racheter tous les défauts qui lui ont été reprochés. Mais il n’en est rien.
Or, la langue est, avant l’histoire, ce qui fait un écrivain. L’œuvre littéraire qui reste est l’œuvre qui a non seulement du sens mais dont le sens est porté par une langue propre, ciselée, travaillée qui lui donne un souffle de vie, une âme. Proust demeurera toujours immense parce que son entreprise est immense mais surtout parce que sa langue est habitée, vivante. Celle de Jean-Michel Guenassia peine même à exister, ce qui fait craindre le pire quant à la postérité de son livre.
Et explique peut-être la cause de son succès immédiat.
Jean-Michel Guenassia, Le club des incorrigibles optimistes, Albin Michel, 757 pages, 23,90€.
Curieuse critique empreinte de hargne et d’esprit critique. Comment ne pas voir dans cet excellent roman un exemple de structuration mythologique portée à un niveau rare dans la production française. Comment passer à côté du double style de ce roman ( que pourtant les lycéens du Goncourt, eux, ont remarqué) à savoir, un style volontairement dépouillé quand le narrateur, un adolescent de 12 à 17 ans s’exprime et un style beaucoup plus recherché mais qui reste d’une excetionnelle fluidité quand ce sont les membres du club qui racontent leurs histoires.
Très curieux enfin l’accusation de plagiat des confrères ( qui tourne à la parano du complot) quand soi-même on recopie sans vergogne l’article peu inspiré de Devarrieux qui patine dans son snobisme élitiste, sa morgue et son mépris vis-à-vis des lecteurs qui ont abandonné en masse Libération à cause de journalistes de son acabit.
Relisez l’histoire de Léonid, celle de Martha et la confession de Sacha. C’est du grand style. Les lycéens du Goncourt ne s’y sont pas trompés, ni les libraires, ni les critiques.
Moi qui ne suit que professeur de français, je vais faire travailler ce texte à les élèves et suis effaré de ce genre de critique fielleuse et non argumentée.
Cher Monsieur,
je suis désolé que cet article vous mette dans pareil état. Il me semble pourtant être une manière de truisme que de dire d’une critique qu’elle est empreinte d’esprit critique, ce n’est pas à un professeur de français que je vais enseigner cela. Le problème à mon sens est que beaucoup de critiques littéraires semblent avoir renoncé au rôle qui est le leur : critiquer les romans. Et dans le verbe critiquer j’entends bien sûr la critique positive mais aussi la critique négative sans quoi l’une ni l’autre n’ont plus aucun sens. Comme le fait dire parfaitement Beaumarchais à Figaro « sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur ». Je pense que l’on a trop tendance à oublier cette maxime de nos jours, sous prétexte qu’il ne faudrait jamais dire du mal de personne et que tout se vaudrait. Je ne veux aucun mal à Jean-Michel Guenassia qui est certainement une personne très honorable mais je me permets de critiquer son oeuvre puisque c’est mon travail et qu’il l’a rendue publique. Cependant il n’y a aucune hargne et pas le moindre soupçon de fiel dans mes propos. J’aimerais que vous me montriez où cela transpirerait. Au contraire, j’explique pendant une bonne partie de l’article ce qui est à mes yeux (qui n’ont pas valeur de vérité universelle évidemment) très bien réussi dans son roman : la construction narrative, les personnages, une époque qui est parfaitement réactivée même si je suis trop jeune pour l’avoir vécue et je me permets une seule critique, qui est importante bien sûr, sur son écriture. Je persiste à dire que je la trouve plate et insignifiante, ne vous déplaise. Mais cela n’a rien de hargneux, comme vous voudriez le faire croire.
En ce qui concerne l’accusation de plagiat, je crois être assez au courant des pratiques de la presse littéraire et avoir lu plus d’une fois des articles dans de grands journaux ou supposés tels sur des livres que j’avais moi-même lus et chroniqués pour m’être rendu compte que bien souvent les livres ne sont pas lus et que chacun recopie son confrère. Ce me semble être le cas pour le roman de JM Guenassia car tous les articles que j’ai lus à ce propos sont construits de la même manière et disent exactement la même chose, à quelques formulations près. Je sais ce qu’est le travail de journaliste et qu’on gagne plus de temps à retravailler un article, c’est-à-dire à le plagier un tant soit peu, qu’à lire un roman de 700 pages. Cela n’a rien à voir avec une « parano du complot ». Quant à me traiter de plagiat, j’aimerais faire remarquer une fois encore au professeur de français que vous êtes que lorsque l’on cite un article cela s’appelle faire une citation et non un plagiat. Le plagiat est justement l’inverse : une citation qui cache sa source en se faisant passer pour son auteur.
Sachez que je suis très content pour JM Guenassia qu’il ait reçu le Goncourt des Lycéens mais que cela ne change rien du tout à l’opinion que je me fais de son roman. Ce n’est pas parce qu’une poignée de lycéens ont choisi un roman parmi une liste présélectionnée par l’académie Goncourt que cela en fait forcément un grand roman. Que vous le fassiez étudier à vos élèves non plus. Je connais des professeurs de Français qui font étudier à leurs collégiens des romans de Frédéric Beigbeder. Libre à eux de penser que son écriture déstructurée peut aider des adolescents dans l’apprentissage de leur langue.
Quant au snobisme élitiste et méprisant de Melle Devarrieux, je vous laisse l’affirmer même si je ne comprends pas bien sur quoi se fonde ce genre d’accusation. Je ne savais pas que les lecteurs abandonnaient en masse la lecture de Libération à cause d’elle, j’aurais au moins appris quelque chose. Je suppose qu’ils préfèrent lire les critiques de Télérama.
Vous confondez critique, c’est-à-dire argumentation avec jugement, c’est-à-dire ce que vous écrivez ce qui reflète votre opinion personnelle parce que vous n’avez même pas remarqué les différences de style dans le roman et surtout l’exceptionnelle fluidité de cette écriture. Ce n’est pas grave. Quand on en est à se chercher des références pour s’expliquer et à appeler Proust et Beaumarchais en renfort, il faut ne pas être très sûr de sa propre argumentation.
Je n’ai pas lu toutes les critiques mais ce serait aussi faire injure à Busnel, Ferniot, Julliard, Savigneau et quelques autres que d’oser soutenir qu’ils ne lisent pas les livres qu’ils critiquent sous prétexte qu’elles ne vous plaisent pas. Quant au papier de Devarrieux dont l’humour n’est pas la qualité principale et qui tombe toujours à plat, il est complètement à côté du livre. Et je le maintiens avec un mépris monumental pour le public. Un autisme pour son époque qui est la marque d’une critique élitiste et arrogante et qui reflète la pseudo avant-garde littéraire. Vous méritez de la rejoindre. Ou alors relisez la dernière partie du roman de Guenassia et si vous ne comprenez pas ce qui est en jeu, c’est dommage pour vous.
Quant à Beigbeider, son Roman français est non seulement remarquablement écrit mais émouvant et plein de sensibilité. Il faut croire que, comme mme Devarrieux vous aimez les livres rasoirs, au style plombé dont le style est l’unique qualité mais qui n’ont rien à dire et que personne ne lit, à part vous.
Il faut donc croire que nous n’avons pas la même vision de la littérature, ni la même exigence en matière d’écriture. Encore une fois, puisque cela ne semble pas clair : il y a beaucoup de choses que j’ai aimées dans le roman de JM Guenassia ; je l’ai même salué pour sa trame historique, je trouve ses personnages très vivants et ce n’est pas chose simple que de s’attaquer à un tel pan de l’histoire. Mais j’en trouve l’écriture maladroite et dénuée de rythme. Il y a des différences de style dans les parties bien entendues mais que je trouve toujours assez faibles. Alors si avoir une certaine exigence à propos de l’écriture romanesque doit faire de moi un critique élitiste et arrogant qui reflète la pseudo avant-garde littéraire, soit. Je suis encore désolé de préférer m’appuyer sur Proust et Beaumarchais que sur le jugement des lycéens car cela vous semblera certainement une preuve de pédanterie et de mépris. Mais c’est ainsi.
C’est un roman superbe et magnifiquement écrit. Un texte exceptionnel, un immense bonheur de lecture. C’est la critique qui est nulle, autant que le critique qui en plus est pédant et rase-motte.
Quand on lit les autres critiques de M. Falcone on peut être sûr d’une seule chose: quand il aime un roman c’est forcément illisible. Il se gargarise de grands mots, il juge avec autorité mais le livre de Camus est indigeste et personne ne peut le lire sans s’endormir immédiatement idem pour le Fémina d’Aubry qui est ennuyeux et fastidieux, une vraie pesanteur littéraire. Il est strictement incapable d’éprouver du plaisir, coincé qu’il est avec ses petites certitudes sur LE STYLE et préoccupé qu’il a d’avoir toujours et forcément raison. Son arrogance égale sa suffisance et son mépris lui sert de garniture intellectuelle pour masquer le vide de sa pensée car c’est là où le bât blesse. Difficile de trouver une once d’originalité ou d’une seule idée dans son amoncellement de poncifs germanopratins. En tout cas, il est passé à côté d’un livre immense, même s’il y a des passages d’intensité et de niveaux moins forts. Le Club est est très grand roman et surtout un roman rare dans notre paysage littéraire. Si Guenassia était un auteur américain, il s’extasierait sur son roman mais il est incapable de s’en rendre compte car il est prisonnier de ses médiocres jugements. C’est un petit critique qui ne peut pondre que de petites critiques. Il trouvera certainement du travail aux Inrockuptibles ou à Libé.
Il semble évident que votre message est un argumentaire sans faille en faveur du livre de Guenassia! Je ne peux que m’incliner devant de tels arguments qui prouvent à coup sûr en quoi ce roman est parfait et en quoi je n’y ai rien compris. Je penserai à utiliser ce genre de méthode dorénavant.
Puisque vous semblez si bien connaître mon travail, je me permets simplement de faire remarquer que ce n’est pas moi qui ai écrit la critique du roman de Gwenaëlle Aubry. Ne soyons pas totalement injustes. Et que mon travail à Culturemag consiste à parler de littérature francophone, ce qui risque de ne pas vous faciliter la tâche pour prouver que je m’extasie devant les auteurs américains.
Croyez bien que je suis désolé que vous ne parveniez pas à lire le roman de Renaud Camus, ni ceux de Olivier Maulin ou Pascal Garnier qui ne sont pourtant pas bien difficiles d’accès. Mais évidemment, quand on peine à lire un livre, il vaut mieux en incriminer l’auteur que remettre en question son intelligence.
Si vous pouviez en passant m’expliquer le sens de cette expression « une vraie pesanteur littéraire », ma garniture littéraire et moi vous en serions fort reconnaissants.