Par Jeannine Hauchard
Paul Badura-Skoda et Jörg Demus ! Les deux pianistes autrichiens n’avaient pas joué ensemble depuis très longtemps et ce concert exceptionnel à Cortot marque à la fois leurs retrouvailles et leurs « débuts » à Paris sous forme de duo. Il n’était que temps ! Pendant près de deux heures, les deux musiciens émerveillent par leur musicalité, leur intelligence expressive et surtout par leur bonheur (communicatif) de rendre hommage à Mozart, puisqu’ils ont choisi de consacrer entièrement le programme à ce compositeur.
Le jeu des deux pianistes est assez différent. Si Jörg Demus se montre d’une précision imparable et d’une fermeté dans les attaques, Paul Badura-Skoda apporte la petite touche indispensable d’élégance et de finesse à l’ensemble.
Mais peu à peu l’un prend le pas sur l’autre et les deux approches se fondent en une seule esthétique dès la fin de la première partie du concert. Après avoir joué les Variations en sol majeur KV 501 et un Larghetto et Allegro inachevés mais complétés par Paul Badura-Skoda (on lui doit beaucoup de cadences), les deux musiciens interprètent magnifiquement la Sonate en ré majeur KV448. Ils font réellement de la musique ensemble comme en témoigne le premier mouvement de cette pièce.
Si Paul Badura-Skoda regarde constamment Jörg Demus alors que ce dernier a plutôt les yeux rivés sur le clavier, ils se répondent musicalement, chacun étant suspendu aux tempi et aux intentions musicales de l’autre. Le second mouvement est un petit bijou dont ils soulignent l’ambiguité rendue par un thème plutôt léger que vient rompre la basse.
Jörg Demus joue deux fantaisies et un adagio. Dans la Fantasie en ut mineur KV 396, il fait montre d’une grande maîtrise technique pour peu à peu faire monter une certaine tension dans son interprétation, tout en gardant une certaine délicatesse notamment dans les notes aiguës rendues par le croisement de la main gauche. Le début de la Fantaisie en ré mineur KV 397 est presque effrayant car il joue avec un calme confondant mais calculé (notamment dans le medium) l’introduction de cette pièce.
Paul Badura-Skoda se lance dans la Sonate en ut mineur KV457 avec une énergie incroyable. Fin musicien, il donne toutefois des couleurs plus fraîches et plus douces à quelques notes, notamment dans le premier mouvement. Il se montre d’une grande poésie dans le second mouvement avec des retenues dans les tempi, des ralentissements expressifs.
En pleine forme les deux pianistes offrent trois bis. Avec une délicatesse remarquable, Jörg Demus joue la première pièce de Mozart pour piano en soulignant bien la future esthétique du compositeur déjà présente. Paul Badura-Skoda, quant à lui, interprète la dernière pièce pour piano, écrite à l’origine pour un harmonica de verre: mais le pianiste est aussi un magicien capable de changer un clavier en verre car il tire de son Steinway des sons d’une pureté infinie.
Ce concert exceptionnel restera dans les mémoires des privilégiés qui auront eu la chance d’écouter ces deux monstres sacrés seuls ou ensemble.
Ou comment la musique devient une évidence…
À noter:
La saison 2009-2010 d’Autour du Piano accueillera une seconde fois Paul Badura-Skoda pour un récital consacré à Beethoven, Musée Jacquemart-André le 20 mars.
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