Le jury de la soixantième Berlinale emmené par Werner Herzog a rendu son verdict. Roman Polanski a obtenu l’Ours d’argent du meilleur réalisateur pour son nouveau projet The Ghost Writer.
Pourtant plus qu’une simple récompense, le trophée en vue de la conjoncture, s’est teinté d’une saveur toute particulière.
Inutile de la rappeler, Polanski est devenu en quelques mois l’œil d’un cyclone juridico-médiatique. Inutile aussi de rappeler les causes de cette déferlante. Assez de journaux, d’artistes et même de politiques savent nous les remémorer. Pas un jour ne passe sans que l’affaire ne fasse du bruit.
Car il s’agit bien de bruit. Chacun y prend part. À l’heure de la démocratie, et donc de la liberté d’expression, les foules ne masquent plus leurs opinions. Internet, refuge édénique des discours décomplexés regorge de morceaux de rhétorique-crasse et de pamphlets-mous. Mais aussi de plaidoyers pâlots et de défenseurs ambigus. Des insultes aux messages de soutien, une étrange sensation se dégage. Un vertige verbeux, une angoisse de la pensée morte.
Cette pollution sonore et visuelle encombre l’espace public. A contrario, la conséquence directe de l’entrain sophiste généralisé paraît esquivée. Aucune mention du silence. Du choix des esprits distants, néanmoins touchés par le problème, mais qui toutefois préfèrent ne pas se prononcer vis-à-vis d’une configuration qui leur échappe. Car il faut avouer que tenants et aboutissants d’un dossier si complexe ne se résument pas un manichéisme puéril, auquel se prêtent si volontiers les dépositaires du discours ambiant.
Ses ardents détracteurs pareils à une meute déchaînée, s’empressent de cracher sur Polanski, faisant peu cas de la faiblesse d‘un jugement à l‘emporte-pièce.
En face, les zélateurs, pour la plupart simplement hypnotisés par le statut d’artiste et le rayonnement de l’œuvre du réalisateur, les arguments ne pèsent pas plus lourds dans la balance de l’ignorance.
Et le cinéma? Et l’art? Voilà des questions sans doute trop incommodantes pour ces bouches déliées et ravies de se répandre. Tous ces moments creux dissimulent un malaise profond. L’Ours de Polanski n’y changera rien. La sphère de l’intime a totalement pris le dessus sur la sphère créative. La focale est braquée sur les bruits de couloir et les piailleries d’arrière-cuisine.
Le travail ne passionne plus, puisqu’il est d’emblée coupable ou innocent. Seules les ombres captivent. Seules les béances fédèrent. Au détriment d’une production qui reste pourtant l’essentiel à mettre en lumière.
Guillaume Blacherois
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