Reprise des Contes d’Hoffman d’Offenbach

/La production de Robert Carsen des Contes d’Hoffmann d’Offenbach est un des plus beaux spectacles de l’Opéra National de Paris. Depuis sa création en 2000, elle est très régulièrement remontée sur la scène de la Bastille avec toujours autant de succès malgré l’inégalité des distributions.

Vocalement cette nouvelle série de représentations n’est pas la meilleure, surtout si l’on a encore en mémoire les apparitions époustouflantes de N.Dessay, N.Shicoff, S.Ramey…

Il est évident que l’opéra d’Offenbach a fortement inspiré Robert Carsen. Il s’est intéressé aux moindres détails : Niklausse est véritablement le double d’Hoffmann, mêmes gestes, même costume…, des figurants représentent les pompiers, les machinistes,… Le metteur en scène canadien a placé les trois actes dans un théâtre de manière à ce que le spectateur se retrouve toujours côté scène: pour Olympia, on est à l’arrière du décor, pour Antonia le plateau est divisé en deux (en haut la scène avec le rideau et en bas la fosse d’orchestre) et pour Giulietta, l’action se déroule sur scène près des lampes, le public voit les fauteuils, un peu à la façon du prologue de Platée dans la mise en scène de Laurent Pelly.

Giuseppe Filianoti assume le rôle d’Hoffmann avec brio mais semble toujours à la limite de ses moyens. Il compense quelques inexactitudes vocales (dans l’air très rythmé de l’acte de Giulietta) par un engagement scénique intéressant : son interprétation de la chanson de Kleinzach est expressive car elle souligne bien la folie du personnage, ses élans d’enthousiasme et de tristesse.

Laura Aikin n’est pas la plus virtuose des Olympia (quelques aigus arrachés) et la justesse fait parfois défaut. Mais elle parvient à se fondre dans la mise en scène parfois osée sans trop verser dans la vulgarité. Béatrice Uria-Monzon est une belle Giulietta, manipulatrice et séductrice à souhait. La voix n’est pas toujours très puissante mais la musicienne fédère les chanteurs pour rendre expressifs les différents ensembles qui jalonnent son acte. Inva Mula, en revanche, illumine la représentation par son engagement scénique et son expressivité vocale: on assiste véritablement à l’évolution du personnage d’Antonia renonçant progressivement à chanter puis exprimant son bonheur presque fou dans le trio avec la mère et Miracle. La voix est toujours aussi rayonnante et Inva Mula lui apporte une légère touche maniérée pour souligner son personnage de chanteuse.

Déjà présente lors de la dernière reprise, Ekaterina Gubanova ne séduit pas beaucoup : sa voix est assez engorgée, la comédienne semble en retrait de l’action. Franck Ferrari reprend également les habits du diable. Sans atteindre le génie de Bryn Terfel ou de José Van Dam dans ce rôle, le baryton français est tout à fait honnête dans sa prestation. Il se montre plus à son avantage dans Coppelius que dans les autres « méchants », et la tessiture de Dapertutto le met un peu en difficulté. Léonard Pezzino propose une interprétation classique des quatre valets, sans grande originalité. Parmi les rôles secondaires on retiendra l’apparition d’Alain Vernhes, comme toujours souverain dans le personnage de Crespel.

La direction de Jesus Lopez-Cobos est vraiment imprécise et on ne compte plus les départs manqués, les décalages avec le choeur. Espérons que ces inexactitudes disparaîtront au cours des prochaines représentations car elles ne reflètent pas la musicalité dont il a souvent fait preuve dans cette même fosse.

Cette nouvelle reprise est assez décevante à cause de la distribution mais c’est toujours un vrai plaisir de voir et de revoir cette production si riche, si intelligente.

Manon Ardouin

Du 7 mai au 3 juin

www.operadeparis.fr

Jacques Offenbach, Les Contes d’Hoffmann

Giuseppe Filianoti (Hoffmann) – Laura Aikin (Olympia) – Béatrice Uria-Monzon (Giulietta) – Inva Mula (Antonia) – Ekaterina Gubanova (Niklausse, Muse) – Franck Ferrari (Lindorf, Coppelius, Miracle, Dapertutto) – Léonard Pezzino (Andres, Cochenille, Frantz, Pitichinaccio) – Cornelia Oncioiu (la mère) – Rodolphe Briand (Spalanzani) – Jason Bridges (Nathanael) – Alain Vernhes (Luther, Crespel) – Vladimir Kapshuk (Hermann) – Yuri Kissin (Schlemil)
Robert Carsen (mise en scène)
Chœur et orchestre de l’Opéra National de Paris
Jesus Lopez-Cobos (direction)

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