Éloge du général de Gaulle

/Parmi la flopée d’ouvrages qui rend hommage à de Gaulle, « au premier d’entre nous », comme l’appelait François Mauriac, au lendemain de la Libération de la France, il faut retenir le court texte de Philippe de Saint Robert et le pavé de Michel Tauriac, deux livres brillants, sensibles et d’une écriture remarquable.

Dans son Juin 40 ou les paradoxes de l’honneur, Saint Robert prend prétexte de l’anniversaire des 70 ans de l’appel du 18 juin pour dénoncer le renoncement de ceux qui signèrent l’armistice et s’engagèrent dans la Collaboration, misant sur une Europe germanique, et pour exalter celui qui sut résister et « rendre à la France sa souveraineté perdue ». Saint Robert parle même de l’âme de la France que le général ne cessa d’évoquer dans ses discours, comme celui-ci datant du 26 juin 1940 : « L’âme de la France ! Elle est avec ceux qui continuent le combat par tous les moyens possibles, actifs ou passifs, avec ceux qui ne renoncent pas, avec ceux qui un jour, seront présents à la victoire ».

Paradoxe, ce sont ces politiques soit disant patriotes qui appliquèrent sur le territoire national la pire des politiques à la solde de l’occupant. Et de citer François Mauriac : « Comment le nationalisme intégral, écrit-il dans Le Cahier noir a-t-il pu aboutir à la trahison ? Que se passa-t-il entre les deux armistices, celui de la gloire et celui de la honte ? Simplement ceci, que les principes chers aux nationalistes français, dont ils n’avaient pu assurer le triomphe dans leur propre pays, l’emportait au-delà des Alpes et du Rhin. Leur rêve s’accomplissait, mais chez l’ennemi ». On ne peut dire mieux. À ce sujet, on ne saurait trop vous conseiller de lire Vichy, journal d’un opposant de l’intérieur d’Antoine Delenda (éditions François-Xavier de Guibert)[1], journal posthume d’un ancien consul général replié à Vichy et qui dénonce au quotidien, entre 1940 et 1943, toutes les trahisons d’un gouvernement à la fois impuissant et à la solde des Allemands.

Dans son essai aux accents romantiques, Saint Robert salue l’élan spirituel du général, lui qui s’était fait une certaine idée de la France liée à sa propre espérance religieuse ; en réalité, dès 1940 il disait avoir « répondu à un appel impératif et muet ». Un dépassement de soi qui rejoint une certaine hauteur quasi spirituelle. Enfin, Saint Robert termine en liant ce geste à la liberté dans toute son essence, elle-même liée intrinsèquement à la souveraineté. « On ne peut sans imposture célébrer le 18 juin si l’on a pour idéologie l’abandon de la souveraineté, conclut-il, car cette idéologie serait la négation même de ce qui est légitime ».

/De son côté, Michel Tauriac publie un Dictionnaire amoureux de De Gaulle qui est sans doute le plus sentimental des « dictionnaires » de cette collection animée avec ferveur par Jean-Claude Simoën. L’auteur des entretiens avec l’amiral de Gaulle, se souvient qu’adolescent, il a commencé à aimer le général en l’écoutant, « l’oreille plaquée contre un poste de radio, pareille à celle d’un médecin contre le cœur essoufflé d’un coureur de fond. Car elle venait de loin, cette voix haletante. De loin, d’une partie du monde où l’on avait encore le droit d’ouvrir la bouche. De dire que l’on aimait son pays par-dessus tout ». Collégien, il tombe littéralement amoureux de Charles de Gaulle, comme on aurait pu l’être de Jeanne d’Arc ou de Bayard, « comme Descartes était amoureux de la poésie, Flaubert de la nature, Maupassant de la Normandie, et comme d’autres le seront de Mao, de Che Guevara ou d’Elvis Presley. Amoureux pour toujours d’un héros qui se battait pour sauver notre grand amour commun, et qui, par la suite, lui a redonné son honneur et son prestige ».
Alors, il faut lire son Dictionnaire comme un voyage sentimental à travers des entrées comme « Adenauer », « Amis », « Barrès », « Bernanos », « Churchill », « Foi », « Ironie », « Normandie, côte de », « Québec » « Seamore Grove »… Tauriac dit « je », s’enthousiasme, s’emballe, raconte, cite, rend hommage, s’attriste ou soutien. Il n’est jamais neutre avec cette grande et cette petite histoire. Même quand il fait une chronique sur sa marque de voiture préférée, « Citroën », que cela soit la 11 CV puis la 15 CV, avant la DS présidentielle, il raconte un général aimant visiter la France à l’arrière d’une voiture car il sait que dans une voiture pareille, « berceau de ses songes, rien ne peut lui arriver ».


·   Juin 40 ou les paradoxes de l’honneur, de Philippe de Saint Robert, CNRS éditions, 4 €.

·   Dictionnaire amoureux de De Gaulle, de Michel Tauriac, Plon, 24 €.

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.