Par Michel Dovaz*
De deux choses l’une : soit les Français sont de plus en plus ignorants, soit ils sont de plus en plus avides de connaissances.
Il y a une trentaine d’années paraissait le premier « guide des vins ». Auparavant aucun. Comment cela est il possible alors qu’aujourd’hui ils sont légion ?
Nous ne considérons que les guides annuels et généralistes, c’est à dire ceux qui ne concernent pas qu’un type de vin ou qu’une seule région de production. Remarquons que pour un éditeur ces deux conditions, « annuel » et « généraliste » sont très engageantes : une publication annuelle, avec fidélisation probable des acquéreurs est une opération rentable et une publication généraliste assure une pagination abondante, donc un prix de vente rénumérateur.
L’utilisateur des guides définis ci-dessus ne semble pas avoir pris conscience qu’il en existe deux types fondamentalement différents. Tous sont divisés en chapitres, chacun de ces chapitres étant consacré à une région. La similitude s’arrête là.
Les uns, (plus rares) exploitent l’entrée par bouteille, les autres par producteur. Cela change tout. L’entrée par bouteille impose la publication annuelle puisque les millésimes changent chaque année, l’entrée par producteur ne se justifierait que si la propriété, les installations et le personnel agissant subissaient un bouleversement annuel, ce qui n’est évidemment pas le cas.
Il serait donc logique que l’on intitulât ce type d’ouvrage « guide des producteurs de vins », comprenant comme on peut le constater un premier paragraphe, toujours répété relatif au producteur, puis des commentaires sur le dernier millésime et les vins illustrant ce millésime pour justifier une parution annuelle et si le producteur ne produit qu’un vin, on étoffera avec des vins de millésimes plus anciens ayant déjà été présentés dans les éditions précédentes…
Ces réflexions ne sont pas nouvelles. Ayant participé à la création du guide Hachette, donc à un guide fondé sur une entrée par bouteille, mon projet n’a pas été retenu, il était trop technique, trop répétitif, trop dépouillé, peu distrayant mais avait l’avantage d’être pur et rigoureux. Ce numéro zéro ne comprenait que trois lignes par vin : l’œil, le nez, la bouche.
Aujourd’hui il faudrait ajouter une quatrième ligne traitant de l’accord vin-met, ce qui n’était pas une préoccupation il y a plus de 25 ans. Hachette a préféré une formule plus « littéraire », a ajouté un chapeau décrivant le producteur et tombe ainsi dans le piège de la répétition annuelle. Le succès de ce guide tend à prouver que le principe retenu plaît.
Le meilleur exemple de guide exploitant l’entrée par bouteille est le « Gerbelle & Maurange » : les meilleurs vins à petits prix, exclusivement consacré à des bouteilles disponibles au moment de sa parution. Autre avantage de ce guide, il ne participe pas à la ridicule course « à celui qui proposera le plus grand nombre de vins ».
10.000 vins retenus dans le guide Hachette, 7.500 dans le guide RVF et près de 7.000 dans le Bettane-Desseauve. Il faut remarquer que plus le chiffre est élevé, plus la sélection est faible.
Chut, n’en parlons pas, le lecteur n’y a rien vu !
* Michel Dovaz est professeur de l’Académie du vin de Paris et auteur de plusieurs ouvrages d’œnologie, notamment Les Grands Vins de France (Ed. Julliard) et une Encyclopédie des crus classés du Bordelais (Ed. Julliard) qui fait autorité ou encore Millésimes, (Ed. Assouline).
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