Le roi de la pop selon Gonzague Saint-Bris

/A priori, quoi de plus improbable ? Qui aurait songé à une rencontre – même purement littéraire – entre Léonard de Vinci et Michael Jackson, le roi de la pop ?
Personne ne l’attendait. Et Gonzague Saint-Bris l’a fait ! On imaginait mal l’amoureux de la littérature française, féru de poésie et d’histoire de la monarchie mettre ses talents au service de la musique populaire contemporaine, dans le cadre d’une biographie de la star planétaire.

Homme de lettres, organisateur de la médiatique manifestation, La Forêt des livres, Gonzague Saint-Bris surprend, dérange, donne dans l’inattendu et fait preuve d’une inhabituelle originalité. L’écrivain a accompagné le danseur jusqu’au cœur de l’Afrique où celui-ci retrouva ses racines au début des années 90. Le dernier livre de Gonzague Saint-Bris est le journal de bord de ce voyage géographique et humain.

J’ai voulu en savoir davantage sur ces échanges avec l’auteur de Thriller. Gonzague Saint-Bris m’a amicalement accueilli à son domicile parisien.

« Je n’avais pas l’intention de faire un livre sur Michael ; j’ai eu l’honneur d’être invité par lui en 1992 à le rejoindre à Libreville. Il faisait son retour à ses racines africaines et il souhaitait réaliser un film : Bad Africa. À l’époque, je séjournais aux Etats-Unis, où je faisais une tournée des 80 villes portant le nom de ‘Lafayette’ puisque j’avais fait une biographie du marquis de La Fayette. Michael m’a vu parler de Léonard de Vinci à la télévision. Il se fait que ma famille est propriétaire de la demeure du Clos Lucé, à Amboise, où Léonard est mort. Michael était passionné par la Renaissance, ses artistes, ses auteurs, et particulièrement par Michel-Ange, il a dit à mon sujet : ‘ce type-là, je veux le connaître !’ ».

Le livre raconte le périple de Michael Jackson en des lieux où personne n’a l’habitude de l’imaginer, comme parmi les pygmées (« j’assiste à des scènes hallucinantes », déclare Gonzague Saint-Bris) ou dans une pirogue le long d’un fleuve majestueux.

Au-delà du pittoresque, l’ouvrage met en relief la dialectique que nous entretenons entre star et saint. Bien sûr, depuis les années 50, des travaux universitaires éclairent cette problématique, d’Edgar Morin (Les Stars) à Jean-Claude Schmitt.
À en croire Gonzague Saint-Bris, Jackson, « très attentif à la sagesse africaine », appartenait à ces deux catégories, auxquelles il conviendrait d’ajouter une singularité royale :

« On a dit que Michael Jackson était le roi de la pop ; eh bien il s’est comporté comme un roi, car les rois savent écouter et faire venir à leur table les gens qui les intéressent. C’est l’époque qui fait les rois et ce sont les médias qui font les stars, et lui était véritablement exceptionnel ; il pouvait s’adresser à tout le monde ! ».

Le livre révèle un fait, semble-t-il inconnu, au sujet du chanteur : sa culture artistique.
« Il m’a parlé de Poussin pendant une heure, Poussin, le grand peintre de Louis XIV. Il m’a parlé aussi de Degas dont il connaissait tous les tableaux. C’était un érudit ! ».

L’ouvrage cite les multiples personnalités du monde des arts et de la culture dont Jackson aurait connu l’existence et les œuvres : Pergolèse, Raphaël, Michel-Ange, Mozart, Bouchardon, Thomas Edison (à qui il dédia un disque), etc.

Certains écriront que ce livre atypique tient du genre hagiographique. Peut-être, et alors ? L’hagiographie n’est-elle pas un genre littéraire à part entière depuis le haut Moyen-Âge ? Il contient les ingrédients permettant de passer un agréable moment.

Ce n’est pas tout. Dans un jeu de miroir intérieur, jusque dans le titre de l’ouvrage (« au paradis avec… ») il rend compte du glissement inavoué et du brouillage sémantique que notre inconscient opère malgré nous entre ‘saint’ et ‘vedette’, non par duplicité ou volonté de puissance, mais par manque de discernement, au creux de notre société consumériste.

Gonzague Saint-Bris, Au paradis avec Michael Jackson, Paris, Presses de la Cité, 2010.

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