Non, les Français ne « s’américanisent » pas !

* Bernard Boutboul

/Pour les repas, les Français sont de plus en plus pressés, c’est un fait. Mais à la différence des Anglo-Saxons, ils font bien la distinction entre le temps de distribution qu’ils souhaitent rapide – et ils réclament plus que jamais une qualité de service irréprochable en la matière – et le temps de consommation du produit qui leur a été distribué.
Bien qu’ils consacrent peu de temps à leur pause-déjeuner, ils souhaitent tout de même pouvoir la « savourer » dans un univers confortable qui leur donne la sensation de prendre leur temps.

Outre la revendication clairement exprimée : « quand je veux et où je veux ! », les Français sont de plus en plus experts de leur consommation alimentaire.

Les Français veulent tout et tout azimuts : manger rapidement, rester gourmet, ne pas exclure l’équilibre nutritionnel, tendre vers plus de naturalité, d’écologie et d’éthique, découvrir de nouvelles saveurs, donner du sens à leur consommation… Le tout, en recherchant constamment la praticabilité,  l’innovation, la sécurité, sans renier les traditions !

Ici encore, Anglo-Saxons et Français n’ont pas le même rapport à l’alimentation : les premiers en ont une vision très individualisée, fonctionnelle, pragmatique et avec une notion de santé très présente ; les second y incluent la dimension de partage et de plaisir, en plus du manger équilibré et varié. Notons tout de même que les liens entre pratiques individuelles et rôle social de l’alimentation évoluent.

En d’autres termes, on assiste en France à une relative individualisation des comportements alimentaires, mais à une échelle tout de même moindre qu’aux États-Unis ou qu’en Grande Bretagne. Rappelons que pour près des deux tiers des Français, un repas doit être avant tout « convivial », puis « équilibré » (51%) et « savoureux » (37%) ; bref, que les Français ne sont pas prêt d’abandonner cette vision purement holistique de leur alimentation,mais ils déstructurent !

Par déstructuration des repas, Gira Conseil entend une cassure dans le traditionnel schéma « entrée-plat-dessert » (typiquement français), vers plus de souplesse… Et vers moins « d’items » consommés. La structure « entrée-plat-dessert » ne pèse plus que 15% des repas consommés dans les restaurants en 2010 !

Les Français et les Américains adorent la vente à emporter. Les américains mangent et boivent en mouvement, les Français doivent se poser plus ou moins confortablement pour manger et même boire.
Un Français s’octroie aujourd’hui en moyenne 6,2 prises alimentaires par jour, pour 1,5 item par repas. À titre de comparaison, les Américains en sont à 12,8 prises alimentaires par jour.

La différence est de taille : les Américains déstructurent leurs prises alimentaires, les Français déstructurent leurs repas.


*Bernard Boutboul est Directeur général de Gira Conseil et spécialiste des comportements de consommation alimentaire.
En 2009 il est sollicité par le gouvernement Français pour l’accompagner dans la préparation et l’organisation des États-généraux de la restauration suite au projet de baisse de la TVA annoncé par le Président de la République.

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