À CultureMag on aime forcément cette pièce de Samuel Beckett, la première de toute à avoir été écrite dans la langue de Molière par le dramaturge irlandais.
Un texte mythique mis en scène par Jean-Marie Russo, un inconditionnel qui nous fait dire : voilà une troupe inspirée !
La mise en scène, le jeu des acteurs, tout converge vers du pur Beckett, 100% certifié. Tout est épuré mais l’espace est tout entier occupé par la réelle présence des comédiens.
Cette oeuvre composée de deux actes identiques n’est surréaliste qu’en apparence. L’action se déroule le soir sur une route de campagne avec pour seul élément de décor, un arbre dénudé. Là se rencontrent deux tandems désolants : les clochards Estragon et Vladimir, les maître et esclave Pozzo et Lucky. La nuit tombe et le mystérieux Godot, le sauveur tant espéré des deux miséreux se fait attendre…
Pas de pathos inutile chez Beckett, mais une pudeur masquée par la grossièreté des répliques. Une manière de botter en touche lorsque le drame humain et la souffrance des personnages atteignent leur point d’orgue. Son humour confinant au spectacle de cirque peut être entendu comme une sorte de politesse du désespoir.
Certes, cette création de 1948 est désespérante mais elle est sujette à de multiples lectures : du vide métaphysique à l’exégèse chrétienne.
Chacun verra dans le sauveur attendu par les deux vagabonds, une absence de Dieu ou non, un néant de l’existence, un homme impuissant (bien sûr) à devenir l’artisan de son propre salut, ou tout simplement les personnages se trompent-ils de sauveur en attendant un homme, Monsieur Godot, plutôt qu’un « God » – tel qu’il serait appelé dans la langue de Beckett. À moins, qu’ils ne se trompent de Dieu, attendant Yahvé, le Dieu terrible de l’Ancien Testament plutôt que le Messie, le Christ du Nouveau-Testament.
Et que dire de la soudaine cécité de Pozzo, le maître cruel, qui ne sait pas voir le mal qu’il inflige à autrui ?
A moins que l’inspiration de Beckett ne soit plus prosaïque : sa lecture du Faiseur de Balzac, avec un Monsieur Godeau qui doit sauver les protagonistes de la ruine, ou l’association d’idée avec « godillot »… Toutes pistes, fausses ou non, donné par l’auteur lui-même.
Cette oeuvre de Beckett est complexe et ne peut se réduire à une interprétation unique.
Elle désespère de l’homme, voilà la seule certitude – laquelle tiendrait presque dans cette réplique cinglante : Voilà l’homme tout entier, s’en prenant à sa chaussure alors que c’est son pied le coupable.
Théâtre Le Proscenium
2, passage du Bureau
75011 Paris
Du mercredi au samedi 20h et dimanche 15h.
Photos : Théophile Collier.
Il eût été correct (à défaut d’être pro) de noter le nom des personnes qui figurent sur la photo de EN ATTENDANT GODOT, ainsi que la distribution de la pièce !
L’amateurisme est une plaie.
Un renvoi vers le site internet a été fait. Vous y trouverez tout ce qui manque.
Toutes les mentions ne se font pas systématiquement. Lisez les critiques de nos confrères…
Mais merci pour votre aimable remarque.
CM