En voilà un bel objet ! À l’heure où rock authentique et philosophie sérieuse cherchent désespérément de nouveaux adeptes, les éditions PUF offrent de quoi goûter avidement à ces deux genres : Philosophie du rock.
Auteur en 2006 du Réalisme esthétique, Roger Pouivet cherche avant tout, comme tout bon philosophe, à enseigner et expliquer le réel. Et si l’art est par essence l’expression, la concrétisation dans le réel de la pensée humaine, le rock peut aussi revendiquer un prétention à dire le monde. Or ce n’est pas vraiment ce qui fait le sujet de ce livre. Il s’agit de présenter et de définir l’ “oeuvre rock”, l’“objet rock”, le disque rock comme un mode de représentation : “ La thèse soutenue est celle de la spécificité ontologique des oeuvres rock”.
D’innombrables ouvrages ont tenté, parfois avec excellence (à noter la réédition du génial Histoire du Rock and Roll de Charlie Gilett) de traiter du rock comme un phénomène culturel. Certes. Indéniable. Mais rares sont les ouvrages, en français, qui prennent position pour la défense d’un réalisme artistique des œuvres rock.
Allant même jusqu’à poser la question à Saint Thomas d’Aquin au sujet de la notion d’artefact, du rock comme forme accidentelle de l’art en raison du traitement trop phénoménologique dont il est l’objet : “ Avec Eleonore Stump, je pense que Saint Thomas aurait pu défendre une thèse réaliste au sujet des artefacts”.
En clair, l’œuvre rock, son enregistrement unique et définitif, constitue un être , dont l’ontologie peut être soumis à l’étude philosophique.
L’enregistrement studio devient source de création d’un artefact promis, par les moyens techniques modernes, à la diffusion de masse des émotions humaines. Rien d’étonnant à ce sujet qu’il ait dédicacé son ouvrage au Grateful Dead, groupe psychédélique majeur dans la recherche expérimentale et musicale des profondeurs de l’être.
Un livre exigeant donc, mais rock ‘n rollement passionnant.
Benoît Bonnet
Philosophie du rock, par Roger Pouivet
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