Un espoir pour l’Hôtel de la Marine ?

Par Christine Sourgins*

/L’Hôtel de la Marine échappera-t-il à la Grande Braderie du Patrimoine ?
Ce lieu, éminemment historique, possède une somptueuse décoration d’époque extrêmement bien conservée, or l’armée s’en allant… le fumet des conflits d’intérêts commençait à s’élever place de la Concorde.
Tout n’était-il pas joué d’avance pour favoriser le projet Allard monté avec la complicité de Renaud Donnedieu de Vabres, ancien ministre de la culture ?

Comme Monsieur Aillagon à Versailles : un petit tour au ministère, un petit tour dans le privé et. le bien public se retrouve comme par hasard disposé en faveur de « certains réseaux d’Art financier »…?
Une commission a donc été chargée d’enquêter, elle a été confiée à Mr Giscard d’Estaing, un des premiers signataires de la pétition des Amis de l’Hôtel de la Marine (plus de 9000 signatures : http://www.hotel-marine-paris.org/) . Voilà qui est rassurant.

Ce qui l’est moins, ce sont les déclarations (1) de Monsieur Allard, qui croyait la partie gagnée :
« L’État doit-il ou non céder son patrimoine, et pour en faire quoi ? J’ai depuis longtemps tranché. »
Ainsi, ce fringuant PDG de 42 ans a « tranché » : au nom de qui, à quel titre ? A-t-il quelques lumières en matière de culture et d’histoire ? Est-il élu du peuple pour décider, à sa place, quoi faire de son patrimoine ?
Sa seule légitimité ressemble plutôt à « par ici la bonne soupe », tellement juteuse que son estimation oscille du simple au double : privatiser le lieu rapporterait à l’Etat « entre 9 et 18 millions d’euros ». Pour un projet, paraît-il « super bien ficelé », cette indétermination ne fait pas très sérieux.

Monsieur Allard promet un lieu dévolu aux métiers d’art « artisans, luthiers, ébénistes, gantiers .qui vivent dans la misère », 150 métiers d’art seront donc parqués rue Royale. « Les métiers d’art rentabiliseront-ils seuls le projet ? ». Réponse « un chiffre d’affaire réalisé par chacun avec une facturation progressive » : là on se dit que ceux qui « sont dans la misère »  sont mal partis, Monsieur Allard évoque alors une « fondation pour aider les plus démunis » .puis passe aux aveux « le cour du projet, c’est un lieu rassemblant toutes les formes d’expression des arts plastiques, un lieu de rencontres, d’expositions, d’événements pour les marchands, les artistes, les mécènes, les galeries, les collectionneurs, les musées, les fondations ».

Voilà nos luthiers et gantiers bien marginalisés, d’autant qu’« il est prévu une partie immobilière ». On aura noté qu’au chapitre « événements », les marchands sont cités en premier.quand au bon peuple, il n’est même pas mentionné !

L’interview s’achève sur « la vocation absolue du lieu est son ouverture au public ». Ouvrir un lieu au public supposerait donc de le privatiser, et depuis quand ?

(1) Le monde 23/24 janvier 2011

Pour signer la pétition :

http://www.hotel-marine-paris.org

* Historienne de l’art, Christine Sourgins connaît bien les musées pour y avoir travaillé,  ainsi que les artistes et le grand public par son engagement dans les structures associatives.
Son parcours lui a procuré un poste d’observation de la vie artistique en France, ainsi qu’une indépendance de pensée et d’expression.
Elle a publié de nombreux articles et un ouvrage de référence :

« Les mirages de l’Art contemporain» , La Table Ronde, (2005), actuellement 4ème édition.

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