L’Opéra de Lyon a proposé un festival « Mozart » du 14 mars au 6 avril. À l’affiche la trilogie de Da Ponte (Don Giovanni, Les Noces de Figaro, Cosi fan Tutte) mais également des concerts et un spectacle consacré aux grands airs du répertoire mozartien, Vous qui savez… ou ce qu’est l’amour…
La trilogie est une reprise de la production d’Adrian Noble déjà présentée avec grand succès en 2007 et qui avait vu se succéder à la baguette William Christie et Jérémie Rhorer.
Les Noces de Figaro
La production d’Adrian Noble est assez épurée mais respectueuse de l’œuvre. Le rideau s’ouvre sur une scène remplie de chaises, de portes isolées, etc… Le déroulement de la journée, puisque toute l’action est ramassée en quelques heures, est symbolisé par des nuages qui se déplacent vers les cintres, pendant l’ouverture, et qui se forment pendant le dernier acte.
Au fond de la scène on aperçoit une maquette de la maison du Comte. Le dernier acte est particulièrement réussi avec un château en toile de fond, des couleurs vertes-bleues, un bassin. Les costumes sont assez intemporels sans être d’époque bien sûr. Suzanne ressemble vraiment à une soubrette avec une robe courte tandis que la Comtesse arbore des tenues plus légères que ne l’imposerait son rang.
La distribution est d’une bonne qualité principalement du côté des rôles masculins. Vito Priante, (déjà Figaro dans la reprise des Noces au Tce en 2009) se distingue particulièrement : il possède un voix ample, très puissante et presque un peu trop sophistiquée pour n’incarner «que » Figaro. Sa parfaite diction lui permet de mettre tous les mots en valeur et d’ainsi donner davantage de consistance au personnage. Rudolf Rosen campe un Comte intéressant et il parvient à s’imposer dans le « Hai gia vinta la causa ».
Helena Juntunen propose une lecture originale du personnage de la Comtesse, plus proche de la Rosine du Barbier que de la Comtesse du Mariage, finalement assez loin des interprétations traditionnelles.
En effet elle est assez légère, frivole, subjuguée par Chérubin pendant son air. Vocalement la soprano finnoise, habituée à des rôles plus légers, rencontre quelques difficultés avec le legato mozartien tellement sollicité dans cette partition : si le « Porgi amor » manque un manque de profondeur, les vocalises de « Dove sono » sont en revanche parfaitement exécutées. Valentina Farcas ne convainc pas vraiment en Suzanne à cause d’une voix, certes jolie, mais qui manque de projection.
Scéniquement elle est crédible, elle apporte le piquant indispensable au personnage. Tova Dahlberg reprend le rôle de Cherubin avec aplomb et propose un bon rythme dans le « Voi che sapete ». Les rôles plus secondaires sont également de bonne qualité avec une mention spéciale pour l’excellent Don Basilio déjanté et bourré de tics de Jean-Paul Fouchécourt et la solide interprétation vocale de Agnes Selma Weiland en Marcelline.
Stefano Montanari adopte d’emblée un tempo très vif, qui déstabilise quelque peu dans les premières minutes. Sa direction, efficace, reste cohérente pendant toute la représentation et donne une dynamique très intéressante à l’opéra. On regrettera toutefois l’absence des airs de Marcelline et de Don Basilio au dernier acte. Il met en lumière quelques certains passages comme les pizzicati dans l’air de Suzanne « Deh vieni non tardar »
Cette reprise est une bonne réussite grâce à une équipe de chanteurs assez homogène dominée par un Figaro qui brûle les planches, à une mise en scène poétique et à un chef qui n’hésite pas à prendre des risques d’interprétation.
Vous qui savez… ou ce qu’est l’amour
Ce spectacle, présenté au Théâtre de Oullins, est une aventure audacieuse et ambitieuse : autour d’une intrigue amoureuse, il s’est agit de rassembler des airs parlants d’amour tirés d’opéras de Mozart, la trilogie de Da Ponte et La Finta Giardiniera.
L’histoire est simple. Pellegrina Leoni, une vieille cantatrice qui a eu un malheureux accident dans Tosca, fait venir au chevet de son frère mourant toutes, ou presque, ses conquêtes. Berg est un ancien chef d’orchestre et, tel Don Giovanni, il a collectionné les femmes. Elles vont donc, outre se crêper le chignon, raconter leurs aventures et les douleurs qui ont en découlé : Moira l’épouse légitime et mère, apparemment, des deux filles – Mattéa et Sasha – , Flora la maîtresse en titre – également impresario -, Cora la deuxième « épouse ».
À toutes celles-là, s’ajoute un personnage au rôle très important, Chérubin. Comme dans les Noces, il va tomber amoureux d’une des filles, de l’impresario. On découvre à la fin qu’il s’agit du propre fils de Berg, la succession du séducteur semble donc bien assuré.
Le mise en scène de Jean Lacornerie, est assez efficace. Les chanteurs évoluent sur une scène occupée par des pans de papier qui tombent à la fin du spectacle. Il y a également de jolis jeux de lumière, les chanteurs apparaissant en ombre chinoise. Les costumes sont très colorés, sauf pour l’impresario qui est en tailleur. L’orchestre est une transposition, voire une transcription, par Thierry Escaich qui a réduit l’orchestre à quelques musiciens (violon, violoncelle, accordéon, alto, clarinette, marimba et saxophone). Le résultat est assez étonnant. La distribution est confiée aux chanteurs du Nouveau Studio de l’Opéra de Lyon que Jean-Paul Fouchécourt a formé et fait travailler sur ce projet. Effectivement on reconnaît sa patte, ne serait-ce que dans la perfection de la diction des chanteurs.
Chérubin est campé par un ténor ce qui est assez déstabilisant. Erwin Aros a une voix assez adéquate pour le répertoire mozartien et on oubliera assez vite qu’il chante le duo « la ci darem la mano » à la place de Don Giovanni ou « Voi che sapete » pour souhaiter le revoir dans des vrais rôles de ténor qui devraient bien lui aller comme Tamino. Moira est chantée par la soprano Vanessa Le Charlès, fidèle de la Péniche Opéra entre autres. Elle est faite pour aborder les rôles assez lourds de Mozart comme la Comtesse voire Elvira qu’elle interprète au début du spectacle avec une belle assurance vocale.
La maîtresse-agent Flora, Ivi Karnezi, ne manque pas d’aplomb et elle semble évoluer très à l’aise dans ce personnage : les airs choisis comme celui de Suzanne « Venite » lui vont bien car elle possède l’agilité et le piquant qu’il faut pour défendre ce répertoire.
Les deux sœurs, Elise Chauvin et Heather Newhouse, ont des voix assez différentes, ce qui les marque dramatiquement, l’une étant assez extravertie et l’autre un peu plus réservée : elles sont parfaites dans le duo revisité entre Marcelline et Suzanne. Majdouline Zerari, Cora, possède une voix longue et sombre qui convient bien à ce personnage resté dans l’ombre pendant des années et rongé de douleur. Philippe-Nicolas Martin produit une bonne impression en Berg même si sa participation vocale est assez courte : passé de Don Giovanni au Comte, il chante le « duo » du pardon avec la Comtesse.
Ce spectacle est rafraichissant, original et il permet d’avoir un aperçu des plus belles pages du répertoire mozartien.
Jeannine Hauchard
www.opera-lyon.com
À noter :
Deux représentations supplémentaires de Cosi fan tutte sont prévues les 15 et 16 juillet 2011.
Les Noces de Figaro :
Rudolf Rosen (Le Comte) – Helena Juntunen (La Comtesse) – Valentina Farcas (Suzanne) – Vito Priante (Figaro) – Tove Dahlberg (Chérubin) – Agnes Selma Weiland (Marcelline) – Andreas Bauer (Bartholo) – Jean-Paul Fouchécourt (Bazile) – Jérôme Avenas (Don Curzio) – Elena Galitskaya (Barberine) – Marc Labonnette (Antonio)
Orchestre et Chœur de l’Opéra de Lyon
Stefano Montanari (direction)
du 15 au 31 mars 2011
Vous qui savez… ou ce qu’est l’amour :
Vanessa Le Charlès (Moira) – Majdouline Zerari (Cora) – Ivi Karnezi (Flora) – Heather Newhouse (Matea) – Elise Chauvin (Sasha) – Erwin Aros (Chérubin) – Laurence Février (Pellegrina) – Philippe-Nicolas Martin (Berg).
Chanteurs et ensemble instrumental du Nouveau Studio
Vanessa Le Charlès
Après des études de chant au Conservatoire National de Région d’Angers, elle entre en 2002 au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris (CNSMDP). En juin 2006, elle obtient son diplôme de formation supérieure avec mention très bien puis poursuit sa formation en Perfectionnement. Elle obtient le premier prix du concours international degré honneur de l’UFAM, à Paris en 2002.
Depuis 2007 elle se produit régulièrement à La Péniche Opéra dans Promenons-nous dans les bois, spectacle composé d’une œuvre originale de Bruno Gillet et de La Forêt bleue, opéra de Louis Aubert. En novembre 2007, elle est l’invitée de l’émission de Gaëlle Le Gallic Dans la cour des grands sur France Musique.
En octobre et novembre 2008, elle est engagée pour le rôle de Malwina dans Der Vampyr de H. Marschner à l’Opéra de Rennes et au Festival Mezzo TV en Hongrie. En 2009, elle est Elie dans «La Machine-à-Rire» composée par Lucian Cristofor Tugui, avec l’Orchestre d’Ile-de-France.
Erwin Aros
Laurence Février
Comédienne et metteur en scène, elle débute sa carrière dans les années 70, en travaillant avec des metteurs en scène d’obédience artistique très diverses : d’Antoine Vitez, à Robert Hossein, Armand Gatti, Stuart Seide, Jean-Michel Rabeux, Claude Régy, Philippe Adrien, Jean-Paul Wenzel… Dans les années 80, elle fonde sa propre compagnie et poursuit depuis de façon parallèle son métier de metteur en scène et celui de comédienne. Elle a monté une trentaine de spectacles avec des auteurs comme : Pirandello, O’Neill, Italo Svevo, Michel Tremblay, Marivaux… ainsi que des spectacles musicaux. Elle tourne au cinéma avec Étienne Chatilliez, Raul Ruiz, Steven Spielberg…
Depuis 2002, elle dirige les recherches de théâtre documentaire produites par sa compagnie, avec la création de 5 spectacles, dont Ils habitent la Goutte d’Or. Elle a mis en scène Les Belles Âmes de Lydie Salvayre, en janvier 2008, au Théâtre National de Chaillot, avec des sculptures des artistes de la F.I.A.P.M.C du Centre Hospitalier de Montfavet. En septembre 2008, elle a créé avec Brigitte Dujardin, une installation-vidéo réalisée pour le colloque international : Culture psychiatrique et culture judiciaire relire Michel Foucault.
Rudolf Rosen
Baryton
Débuts : lauréat de plusieurs concours, notamment du Concours international de la chaine allemande ARD 1998 et du Belvédère de Vienne en 1999.
Répertoire : membre de la troupe du Staatstheater de Stuttgart, il y chante notamment Don Giovanni ; Nardo (La Finta giardiniera, Mozart), Le Château de Barbe-Bleue (Bartók) en concert à Cologne, le Comte (Les Noces de Figaro), Papageno (La Flûte enchantée) à Stuttgart, Silvio (Paillasse, Leoncavallo) et Guglielmo au Theâtre National de Tokyo, Les Noces de Figaro au Théâtre des Champs-Elysées, Ottokar (Le Freischütz, Weber) au Grand Théâtre de Genève…
En concert : Un Requiem allemand (Brahms), La Création (Haydn) à Strasbourg, La Nuit de Walpurgis (Mendelssohn) à Amsterdam, Les Quatre Chants sérieux (Brahms) avec les Bamberger Symphoniker (avec enregistrement), le Requiem (Mozart) à Cologne, Les Saisons (Haydn)… ; en récital à Oslo, Stuttgart, Gewandhaus de Leipzig, Tonhalle de Zurich…
Récemment : le Dompteur et l’Athlète (Lulu, Berg) à la Scala de Milan avec Daniele Gatti et aux Wiener Festwochen, Cosi fan tutte à Anvers et Gand.
Chefs : Christoph Eschenbach, John Nelson, Michel Corboz, René Jacobs, Lothar Lagrosek, Herbert Blomstedt, Helmut Rilling…
Actualité/ projets : 9e symphonie (Beethoven) à Paris et Cagliari, Elias (Mendelssohn) à Zurich et Lausanne, concerts à Lisbonne, Cologne, Dresde, Berne et Valence.
Helena Juntunen
Soprano
Études : Académie Sibelius, Helsinki
Répertoire : Mimi (La Bohème, Puccini), Liu (Turandot, Puccini), Pamina (La Flûte enchantée, Mozart) au Festival d’Aix-en-Provence avec Daniel Harding, à la Monnaie de Bruxelles avec René Jacobs, au Grand Théâtre de Genève, Wiener Festwochen Theater an der Wien, Opéra de Lorraine, Dresde, Minnesota Opera, et au Théâtre de Caen, création du rôle-titre de Anna Liisa (Veli-Matti Puumala)…
En concert : Un Requiem allemand (Brahms) avec Donal Runnicles et l’Orchestre philharmonique de Berlin, Missa Solemnis (Beethoven) avec Xian Zhang, répertoire vocal finlandais…
Récemment : Madame Cortese (Le Voyage à Reims, Rossini), Sophie (Le Chevalier à la rose, Strauss), Liu, Mimi à l’Opéra d’Helsinki ; Liisa (Ostrobothnian, Leevi Madetoja), Micaëla (Carmen, Bizet) à l’Opéra d’Helsinki, Marietta (La Ville morte, Korngold) et Jenny Hill (Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny, Weill) à Nancy, Marie (Wozzeck, Berg) à l’Opéra de Nice, Zdenka (Arabella, Strauss) au Vlaamse Opera.
Enregistrements : œuvres de Sibélius, 9e symphonie (Beethoven) avec Osmo Vänskä et le Minnesota Orchestra…
Andreas Bauer
Basse
Études : il étudie la musique à Dresde et Weimar.
Répertoire : Osmin (L’Enlèvement au sérail, Mozart) au Théâtre de Würzburg, le Prince Grémine (Eugène Onéguine, Tchaïkovski), Sparafucile (Rigoletto, Verdi) Méphistophélès (Faust, Gounod), Kaspar (Le Freischutz, Weber), Figaro (Les Noces de Figaro), l’Orateur (La Flûte enchantée) avec Claudio Abbado à Reggio Emilia, Ferrara et Baden-Baden, Gernot (Les Fées, Wagner)…
Récemment : La Flûte enchantée à Madrid avec Colin Davis, puis avec Claudio Abbado au Festival d’Edimbourg, Oroveso (Norma, Bellini) à Modène, Méphistophélès dans une nouvelle production de Faust à Modène ; en troupe au Staatsoper de Berlin depuis 2007, il y chante notamment Publio (La Clémence de Titus, Mozart) aux côtés d’Elina Garanca, Titurel (Parsifal, Wagner) aux côtés de Placido Domingo et dirigé par Daniel Barenboim, le Commandeur (Don Giovanni), Timur (Turandot, Puccini), le Roi (Aïda, Verdi), Colline (La Bohème, Puccini), Basilio (Le Barbier de Séville, Rossini), Don Alfonso (Cosi fan tutte)…
Projets : La Clémence de Titus (Mozart), Tannhaüser (Wagner) au Capitole de Toulouse, Sarastro (La Flûte enchantée) au Staatsoper de Berlin, Requiem (Verdi), Stabat Mater (Dvorak), Elias (Mendelssohn)…
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