Le Morbihan, cette région du golfe breton, parfois loin de la mer, a trouvé le moyen d’attirer les touristes tout en sauvegardant son patrimoine.
L’idée simple au départ mais longtemps difficile à mettre en œuvre : marier l’art et les monuments sous l’égide des autorités régionales, départementales et même locales.
Focus sur deux initiatives emblématiques : « l’art dans les chapelles » et le domaine de Kerguéhennec.
L’art dans les Chapelles : 20 ans déjà !
Il fallait y penser, en invitant l’art contemporain dans leurs murs, ces antiques chapelles ne sont-elles pas en porte-à-faux par rapport à leur vocation ? Petit tour d’horizon du circuit estival « l’art dans les chapelles » qui fête ses 20 ans cette année.
Il était une fois une jolie rivière qui serpentait au cœur de la Bretagne : le Blavet. Dans sa vallée, disposées en étoiles, une multitudes de petites chapelles, de styles et d’époques diverses, ont été bâties.
Sous l’impulsion d’Olivier Delavallade, l’art s’invita dans ces chapelles fermées. L’actuel directeur du domaine de Kerguéhennec résume son action culturelle dans la région par « 15 ans de pédagogie auprès des élus ».
Avec l’Alsace, la Bretagne fut la première région dotée d’un service régional de l’inventaire. La conscience patrimoniale existe ici depuis longtemps. Aussi les élus et les amoureux des vieilles pierres cogitèrent afin d’ouvrir les nombreuses petites chapelles disséminées dans tout le Morbihan. Fermées toute l’année, elles sont pour la plupart ouvertes une fois l’an pour les Pardons. L’association « Art dans les Chapelles », financée par le Conseil Général, permet aux visiteurs de les découvrir pendant deux mois et demi, l’été, en invitant des artistes contemporains à y exposer.
La mairie parfois le guide et le reste du travail est assuré par l’association.
Chaque année, les artistes invités créent, à l’atelier ou in situ, des œuvres spécifiquement pour la chapelle qui leur a été attribuée ou qu’ils ont choisie. D’autres artistes sont conviés en résidence durant la manifestation.
Quatre circuits sont proposés, au cœur du pays de Pontivy, ouvrant ainsi au public des édifices remarquables, gratuitement. Ces sites sont classés en deux catégories : les sites accueillant une œuvre contemporaine dans le cadre de la manifestation, et les sites ouverts dans le cadre de la manifestation, mais ne présentant pas d’œuvre contemporaine.
Ces stars de l’Art dit Contemporain, habitués souvent à brasser les millions, œuvrent pour quelques centaines d’euros dans ces hauts lieux de notre histoire.
c’est louable en soi. Mais certains, habitués à laisser aller leurs instincts « conceptuels » plutôt qu’en quête d’harmonie et de beauté risquent de dépasser les limites. Lieux sacrés en soi, les chapelles ne peuvent accueillir les démarches qui heurtent leur vocation propre.
L’art de jouer avec les limites
La plupart cherchent à entrer en résonance avec le lieu; comme Rainer Gross dans la chapelles de Saint-Nicolas à Pluméliau avec son œuvre monumentale, présentée comme une sorte de memento mori et invitant le visiteur à s’incliner en entrant face à l’autel. Ou comme Susanna Fritscher avec son installation sonore cherchant à dialoguer avec la chapelle Sainte-Tréphine à Pontivy ou encore Heidi Wood créant des chasubles sur lesquelles elle décline le pictogramme de la chapelle Notre-Dame du Moustoir (Malguénac), les chasubles étant directement reliées au lieu mais pouvant aussi être considérées comme « une idée générique de la chasuble, des signes. ».
Saluons aussi l’initiative de l’artiste David Tremlett, invité d’honneur de l’édition 2008, qui avait alors choisi l’une des chapelles les plus modestes : Notre-Dame des Fleurs à Moustoir-Remungol. Suite au dessin mural qu’il exposa jusqu’en 2009, il souhaita pérenniser son travail en offrant la création du vitrail principal alors en verre blanc. Pour les 20 ans de l’Art dans les Chapelles la réalisation en a été confiée à l’atelier Simon Marq de Reims. L’implication des divers partenaires toucha l’artiste qui décida d’offrir la création et la réalisation du petit vitrail latéral de cette chapelle.
Jolie histoire : quand un artiste donne du lustre et de la lumière à la plus humble des chapelles…
Mais d’autres artistes contemporains glissent insidieusement vers la pratique blasphématoire, ignorant (ou feignant d’ignorer) la violence qu’ils sont susceptibles d’infliger aux croyants chrétiens et à toute personne douée de sens du sacré.
Si les ignigraphies de Jaccard sont intéressantes, voire magiques sur le papier, elles deviennent « scarifications » sur les murs. Au domaine de Kerguéhennec (qui ne fait pas partie du circuit de l’Art dans les Chapelles mais se situe tout près), dans la chapelle de la Trinité, afférente au château, ces brûlures sur les murs pouvaient passer mais les propager dans le chœur (même si l’endroit n’accueille plus du tout de culte) est très discutable.
Autre débordement, l’artiste d’origine algérienne Slimane Raïs à la chapelle Notre-Dame-des-Fleurs s’autorise tout bonnement à réorienter le lieu sacré, tourné vers l’Est comme toutes les églises, dans la direction de la Mecque à l’aide de dalles disposées à l’extérieur et d’un plancher de bois à l’intérieur.
Il y a une manière de dialoguer entre les religions et des lieux idoines, mais cette action dépasse largement la démarche artistique et pourrait être considérée comme un acte d’un grande violence envers la sensibilité des chrétiens, voire une profanation. C’est en tout cas, trahir l’accueil et la confiance qui ont été offerts tant par les organisateurs que par le clergé qui autorise la manifestation.
Malheureusement, on se demande s’il y a encore des limites à l’initiative dans des lieux qui l’imposent de fait… L’Art dans les Chapelles, idée louable au départ, risque de se discréditer au jeu du « laisser-faire, laisser-passer » de notre société relativiste.
Il suffirait juste de redresser la barre légèrement pour fixer des frontières à ne pas dépasser pour que cette belle initiative qui redonne vie au patrimoine et aux villages que traversent les quatre circuits redevienne ce qu’elle est : un modèle d’intelligence. Une passerelle entre passé, présent, patrimoine, questionnements contemporains, art et sacré.
À suivre la semaine prochaine dans CultureMag : Le domaine de Kerguéhennec : vaisseau-amiral de la culture en Morbihan.
Pratique :
L’Art dans les Chapelles
Du 8 juillet au 18 Septembre
Juillet et aout : tous les jours de 14h à 19h
Fermé le mardi (sauf pour les ateliers nomades, voir ci-dessous)
(ouvert 14 juillet et 15 août) et les 3 premiers week-ends de septembre, de 14h à 19h.
Entrée libre et gratuite – un guide vous accueille dans chaque chapelle.
Accueil et départ des circuits :
Maison du Chapelain – Saint Nicodème
56930 Pluméliau
L’art dans les chapelles
6 quai Plessis
56300 Pontivy
Pour toute question :
Tél : 02 97 27 97 31
accueil@artchapelles.com
www.artchapelles.com
L’art dans les chapelles est une association loi 1901 reconnue d’intérêt général.
Autre association dont vous rencontrerez parfois des guides bénévoles :
La SPREV association de Sauvegarde du Patrimoine Religieux en Vie.
Association dédiée au patrimoine breton dont le sigle est la clé : celle qui ouvre les églises et chapelles closes, et celle qui donne accès au sens caché des choses.
Pour toute question :
Tél : 02 98 64 58 81
secretariat.sprev@wanadoo.fr
www.sprev.rog
Photos : Cyril Semenoff-Tian-Chansky –“Historien d’art, diplômé de l’Ecole du Louvre et de master en Histoire de l’Art, qui a travaillé pendant de nombreuses années à la Manufacture de Sèvres puis au Château de Versailles, est également photographe, spécialisé dans le patrimoine sous toutes ses formes.”
www.cyril-semenoff.net
Chapelle Saint-Gildas
Chapelle Saint-Nicolas, installation de Rainer Gross.
Vitrail principal de Notre-Dame des Fleurs à Moustoir-Remungol.
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