« Et moi qui commençais à faire ce que je n’ai jamais cessé de faire par la suite : perdre mon temps à courir après les souvenirs. »
Cette phrase de Jean, le jeune narrateur de Sugar puffs, pourrait aussi bien sortir de la bouche de l’auteur, François Cérésa.
Nous lui rétorquerions alors qu’il n’a pas fait que perdre son temps après ses souvenirs, puisque c’est de ce temps passé qu’il tire ses romans. Au début des Moustaches de Staline, le narrateur, qui s’appelle également Jean, se remémorait son enfance en croisant à Cabourg celle dont il avait été secrètement amoureux.
Dans Sugar puffs, Jean est père d’un fils de vingt-quatre ans qui part pour un an à Dublin. Au terminal de l’aéroport, il se revoit soudain, lorsqu’il fut envoyé à quinze ans passer une année au Pays de Galles et sur l’île de Man. Entre mélancolie et bonheur du passé ressuscité, ce récit de jeunesse à l’écart du monde, l’année 1969, se lit comme un roman initiatique, bien écrit et sans longueur.
À quinze ans, Jean, envoyé en Angleterre par ses parents « pour [le] faire réfléchir » n’apprendra pas à travailler mieux ni à être plus sage mais apprendra la vie tout court. Cette année sonnera pour lui la fin de l’enfance et le début de l’âge adulte avec son cortège de plaisirs, de complications, de désenchantements et de réflexions.
Avec ses camarades d’infortune, il découvrira le pouvoir des femmes, leur versatilité, la veulerie et la beauté de ses congénères et que la vie adulte n’est qu’une lutte contre soi-même et contre les autres. Que ce sont rarement les plus fins et les plus humbles qui réussissent et que les filles aiment ceux qui les font rire et n’ont pas peur de la caricature, ce qui donne lieu à des passages drôles et cruels à la fois :
« Mettez un chevelu quelque part avec une guitare, une allure baba, des chemises à fleurs, et les filles rappliquent. Allison riait pour un oui, pour un non. Quand Schirmeck a chantonné « Sha la la la lee », elle s’est pâmée. Je l’avais saumâtre. C’était donc ça, les filles ? Des fées moqueuses qui jouent avec le cœur des garçons ? »
François Cérésa, Sugar puffs, Fayard, 290 pages.
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