Le parc de Nacqueville. « L’un des plus jolis lieux du monde », ainsi Alexis de Tocqueville magnifia l’un des parcs les plus séduisants et les plus pittoresques d’un Cotentin pourtant fort bien pourvu en sites agrestes.
L’on doit la création de ce domaine enchanté, véritable « décor d’opéra », à l’action persévérante de deux familles parmi les plus emblématiques du rayonnement français au XIX° siècle, les Clérel de Tocqueville, fameux grâce au renom de l’auteur de la Démocratie en Amérique et les Hersent, concepteurs de ports et de ponts dans le monde entier…
L’ancienne demeure des Grimouville, élevée au XVI° siècle est acquise en 1689 par les Mangon qui abattent la muraille d’enceinte, maintenant la poterne en place et reconstruisent la partie droite du château. Le domaine passe ensuite aux Barbou de Querqueville en 1763. En 1822, Emilie Erard de Belisle de Saint-Rémy en 1822, âgée de 17 ans, en hérite. Elle s’unit à Hippolyte de Tocqueville (1797-1875), capitaine de dragons, futur député et sénateur à vie. Ils entreprennent tous deux la rénovation des lieux.
En juin1830, lors d’un séjour à Nacqueville chez son frère et sa belle-soeur, Alexis de Tocqueville relève « l’activité prodigieuse dans laquelle Emilie vit ici » et précise que « M. Dumoncel, qui est avec nous, vient de lui donner un plan pour l’embellissement de la terre, et quoiqu’il doive se passer bien longtemps avant que l’exécution de ce plan puisse être entreprise, il a du moins le mérite de nous amuser. »Il s’agit très vraisemblablement du général comte du Moncel (1784-1861), député de la Manche, personnage-clef au sein du monde des notables, qui semble donc avoir joué un rôle déterminant dans l’agencement du jardin. Tout porte à croire en effet qu’il préconisa pour le parc le recours à un tracé paysager, à l’instar de Martinvast, aménagé pour lui-même à partir des années 1820, le premier grand parc à l’anglaise du Cotentin. Si, en 1831, Alexis recommande pour Nacqueville le recours à ces maisons de campagne, « grandes comme des bonbonnières, mais d’un travail… soigné », aperçues aux abords de New York, il semblent que les travaux d’agencement aient duré un certain temps.
La présence de trois vallons -dont celui du ruisseau des Castelets- se prête à ravir à la création d’un jardin romantique aux vastes perspectives, où les essences exotiques se mêlent aux végétaux habituels aux campagnes normandes, des collines boisées venant couronner le site, où domine l’ampleur des pelouses verdoyantes. L’avenue d’arrivée est déplacée afin d’aboutir au château; le cours d’eau s’agrémente de cascades et la mise en place d’un barrage permet le creusement d’un vaste étang, déjà visible à la fin du gouvernement de Juillet. La perspective vers la mer vient parachever l’attrait de ce site d’exception. Le remaniement du domaine paraît mené à bien durant les premières années du Second Empire, parallèlement à la reconstruction d’une partie du château; relevons également la mise en valeur de la poterne, élément décoratif remarquable, près duquel l’on planta un saule pleureur, visible sur la gravure de Théodose du Moncel parue en 1843.
En 1877, le domaine est acquis par Hildevert Hersent (1827-1903), entrepreneur de travaux publics et président de la Société des ingénieurs civils de France, « self made man » à la réussite exceptionnelle, qui l’embellit à son tour. Il privilégie le réseau hydraulique, mettant en place des barrages et des canalisations souterraines. Après les ravages de la Seconde guerre mondiale, ses descendants (familles Hersent puis Azan) ont remis en ordre le château et le parc avec goût.
Au rang des massifs les plus spectaculaires, habituels dans le Cotentin, mais atteignant ici une ampleur inusitée, il convient de mentionner rhododendrons (rhododendron arboretum de plus de dix mètres de hauteur, aux fleurs rouge cardinal en avril), azalées, camélias et hortensias, aux coloris variés. Figurent également des bambous, des lauriers du Portugal, des arums…Un massif de gunneras se distingue par l’ampleur remarquable de ses feuilles (1,50 mètres de diamètre à la belle saison). Des arbres particulièrement exceptionnels par leur taille retiennent l’attention, tels ces séquoias -une vingtaine d’exemplaires à l’origine-, plantés vers 1840, de six mètres de circonférence; citons aussi un cryptomeria elegans, un araucaria, des cèdres bleus, un magnolia…
Le château est inscrit à l’inventaire des Monuments Historiques, et le parc est classé « jardin remarquable » depuis 2004.
De nos jours, le comte et la comtesse Thierry d’Harcourt s’attachent à maintenir et à embellir le domaine à eux transmis, l’ouvrant au public avec libéralité.
Bruno Centorame
Pratique :
Ouvert du 1er mai au 3 septembre.
Mardi, jeudi, vendredi, dimanche et jours fériés de 12 à 17 heures.
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