Vous avez dit Montherlant ?

/Quarante ans après le suicide romain de Montherlant, en 1972, ses plus fidèles lecteurs n’ont pas grand chose à se mettre sous la dent.
Gallimard a oublié de publier une édition de son théâtre en Pléiade qui aurait bien mérité une nouvelle édition. La Table Ronde aurait pu s’offrir une seconde livraison de ses Carnets dans « La petite vermillon ».
Et l’on se demande surtout pourquoi La Comédie française n’a pas profité des 70 ans de sa création pour remonter avec éclat La Reine morte, un de ses chefs d’œuvre, ou même Le Cardinal d’Espagne, inscrit à son répertoire depuis 1960 ! Il n’y a que Michel Fau qui osa mettre en scène l’été dernier Demain il fera jour au Festival de Figeac avec Léa Drucker et Loïc Mobihan.

Mis à part le colloque sur l’imaginaire de Montherlant à l’Institut catholique cet automne et Montherlant aujourd’hui vu par 15 écrivains et hommes de théâtre, il faut se rabattre sur l’émouvant essai de Philippe de Saint Robert Montherlant ou l’indignation tragique. Celui-ci raconte combien le romancier d’avant-guerre et le dramaturge de la seconde partie de sa vie tentèrent de cristalliser une même quête de l’humain, un même principe d’alternance dans la vie. Saint Robert rappelle qu’on a même dit qu’il était l’enfant bâtard de l’aristocratie comme le père Sartre l’est de la bourgeoisie.

En effet, sans renier son enfance, Montherlant a pris ses distances avec une certaine une morale comme avec la religion et l’église. N’a-t-il pas mis en scène un prêtre sans la foi dans La Ville dont le prince est un enfant ? « Il y a chez Montherlant, écrit justement Saint-Robert, deux vertus essentiellement chrétiennes, qui sont le goût de l’excellence et le goût de l’enfance, où il n’y a nul libertinage. » Et dans cette excellence-là, oui Montherlant  célébrait l’homme détaché, solitaire, le soldat, le pèlerin, l’écrivain et le prêtre : « Je suis un esprit de l’air, clame-t-il dans ses Carnets dès 1932.

Qui a lu la série des Jeunes filles a bien saisi combien le mot plaisir avait du sens pour ce nihiliste héroïque qui reprenait à son compte la devise de son ancêtre Henry de Riancey : « Pour l’honneur et pour le plaisir ».
Et l’auteur d’un splendide Don Juan appelé La mort qui fait le trottoir (quel génie des titres !) lâchera ces mots dans ses Carnets d’avant-guerre : « N’est-ce pas une vie bien ordonnée, que celle où l’on a consacré sa jeunesse à b…, son âge mûr à écrire, et sa vieillesse à dire la vérité ? »
Pensait-il déjà à Chateaubriand qui termina son œuvre par La vie de Rancé où la réflexion sur la mort rejoint le tragique de la vie ? Saint Robert rappelle encore le mot de Pierre Boutang : « Henry de Montherlant, comme Chateaubriand, c’est encore l’anarchie, le désordre dans la vie et dans les lettres. »

•   Montherlant ou l’indignation tragique (qui comprend leur Correspondance (1955-1972), de Philippe de Saint Robert, éditions Hermann, 400 pages, 35 €.
•    Montherlant aujourd’hui vu par 15 écrivains et hommes de théâtre, Les éditions de Paris, 190 pages, 18 €.

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