Ce n’est pas seulement un premier livre réussi, mais un très beau texte sur Arvo Pärt que nous offre Julien Teyssandier, où les phrases frôlent avec une douceur amoureuse l’œuvre musicale du grand compositeur estonien.
Il fallait cette singulière disposition à l’écoute intérieure, alliée à un style lumineux, davantage qu’une intelligence supérieure ou une grande érudition, pour parler de la musique comblée de grâces d’Arvo Pärt.
C’est ce dont Julien Teyssandier fait preuve. Non pas qu’il soit dénué d’intelligence ou d’érudition, mais il s’abstient à propos de gloser sur une musique qui s’infiltre dans les cordes sensibles de l’âme avant de toucher l’intelligence. Pour un coup d’essai, c’est un coup de maître, il faut le dire.
« C’est peut-être mieux qu’il n’y ait pas de véritable analyse critique de l’œuvre d’Arvo Pärt. A peine glissée dans le marbre, la moindre interprétation pourrait être démentie », écrit-il à raison.
Comme une trace sacrée, cette musique ne doit pas être soumise à l’intellect froid des hommes. Il se trouve en elle quelque chose d’inviolable ; quelque chose qui ferait de celui qui prétendrait la disséquer un profanateur maudit.
De la musique d’Arvo Pärt, on peut surtout évoquer l’ensorcellement, l’envoûtement qui prend l’être entier et le conserve en son sein longtemps après que la dernière note a fini de bruire.
Plusieurs heures, plusieurs jours après en avoir entendu quelques notes, l’esprit en reste tout entier fasciné. Il m’est arrivé d’assister à un récital de piano de grande qualité. J’avais hâte que cela se termine, en dépit de ma passion pour les nocturnes de Chopin.
Les jours précédents, je m’étais nourri du « tintinnabuli », qui hantait ma mémoire comme le bleu de Talinn hante celle du narrateur d’Arvo Pärt, et ses notes remuaient en moi, physiquement, comme les grains de pollen au printemps.
Encore ceci : la musique d’Arvo Pärt « déchire la cacophonie de notre monde. » Elle impose le silence à la tempête, avec la même conviction vigoureuse mais calme que le Christ montra sur la barque secouée par les vents où il s’était endormi.
C’est ce que poursuit Arvo Pärt, depuis son fameux Credo de 1968. Une musique de contemplation fait rendre gorge au chaos, car elle est acte de foi envers le créateur, et chant d’amour. Il faut paradoxalement en passer par la musique pour retourner au silence.
Julien Teyssandier, Arvo Pärt, Pierre-Guillaume de Roux, 251 pages, 23€.
Poster un Commentaire