Parler de poésie, ce n’est déjà pas facile. Parler de la poésie russe, de celle de Marina Tsvetaeva (1892-1941) en particulier, double la difficulté.
En partie à cause des obstacles que présente le passage de la langue russe à la langue française. Le résultat n’en est pas moins un tour de force.
Le lecteur est emporté par l’élan passionné de la poétesse, par son expressivité troublante, par ses vers limpides et insaisissables à la fois. Les ténèbres rivalisent avec la lumière, la tendresse avec la douleur. Tsvetaeva iconoclaste de tempérament, brise la syntaxe, supprime les liens logiques, tend cependant vers la clarté, vers la spontanéité, vers l’amplification de ce qu’elle veut exprimer.
Quelques uns de ses poèmes, un rien chaotiques, expriment un jaillissement sans retenue. D’autres poèmes manifestent de l’indignation suscitée par des événements d’actualité. Résignée, Marina Tsvetaeva quitte Moscou, se réfugie à Berlin, à Paris, à Prague, emportant avec elle ce don de la « poésie sonore » destinée aux lecteurs qui ont de l’oreille.
Chez elle, tout est revendication, tout est frénésie. Ses souvenirs sont baignés de larmes. La concision de ses vers est autant de signes et de valeurs figuratives. Elle fait exploser ses aventures amoureuses, imaginaires ou concrètes, demeure d’une fidélité exemplaire à l’homme de sa vie.
« Je serai aux aguets, séduite, confuse, je m’élancerai vers toi, mon doux ».
Insaisissable, instants de volupté, ce qu’écrit cette femme, elle le fait dans l’urgence. En femme pressée, elle utilise le tiret comme Lord Byron ou Emily Dickinson.
Elle souffre de la loi imposée, cette main gantée de fer. Elle rêve d’apprendre aux gens à voir le jour se lever. L’exil, le manque d’argent sont un combat quotidien. Elle accentue ce combat : « chaque jour est une naissance ». Peu à peu son incroyable énergie s’effrite. « Comme je voudrais quitter le monde où l’âme se déchire ».
Retournée à Moscou en 1941, Marina Tsvetaeva se suicide.
Elle a juste eu le temps de noter : « Il y a dans ma stature une droiture d’officier. Il y a dans mes côtes un honneur d’officier ».
Alfred Eibel.
Marina Tsvetaeva : Poèmes de Russie (1912-1920) tome I,
Poèmes de maturité (1921- 1941) tome II.
Tome I, 915 p. 20 €
Tome II, 816 p. 20 €
Éditions des Syrtes, édition bilingue.
Poster un Commentaire