Pour l’amour des thés chinois

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  • Désormais, il faut compter avec le livre de Katrin Rougeventre  qui non seulement raconte les thés chinois depuis l’âge d’or des Tang, mais restitue ce qui appartient au patrimoine d’un peuple au même titre que son patrimoine culturel.

     

       Les buveurs de thé chinois ont désormais leur bible. Un manuel rédigé par une Française sinophile qui depuis plus de trente ans n’a cessé d’enquêter sur le pays « aux dix mille thés ». Katrin Rougeventre a signé L’Empire du thé, le guide des thés chinois, le livre indispensable qui explore les secrets du thé chinois et radiographie plus de deux cents thés de toutes les couleurs. « Aujourd’hui universel, le thé est incontestablement un apport majeur du génie chinois à l’humanité », clame-t-elle dans son introduction. Plus qu’un atout, le thé apparaît aux yeux de cette connaisseuse comme l’expression d’une véritable « civilisation » qui ne cesse d’attirer à elle des buveurs du monde entier.

       Deux mondes se côtoient : « celui des industriels qui usinent les feuilles en masse et les répartissent selon une nomenclature de sigles dont personne ou presque ne comprend le sens ; celui des jardiniers chinois qui, au fil des siècles, ont composé une véritable anthologie des mutations du thé. » Ainsi, Katrin Rougeventre, de chapitre en chapitre, joue avec cette grammaire des thés qui enchante les vrais amateurs, sans cesse plus nombreux en France, non seulement à l’heure où la santé devient de plus en plus un thème sensible, mais aussi et surtout car les comptoirs proposent des « crus » exceptionnels classés dans les meilleurs palmarès pour leurs goûts et leurs vertus.

       « Le boom économique qui s’est amorcé avec l’ouverture de la Chine a profondément modifié la géographie traditionnelle du thé à partir des années 1990. En dix ans, la superficie planté en théiers a été multiplié par deux », assure l’auteur. Comment ne pas citer les deux grandes provinces productrices de thés vert, le Zhejiang et l’Anhui, qui se sont laissées dépasser par le Sichuan et le Yunnan, réputés pour leurs thés fermentés et qui, entre 1998 et 2010 « ont pratiquement triplé leur production de thé vert ! »

    Qui aurait imaginé un jour que le Yunnan (connu notamment pour ses remarquables Puer) produirait des Bilochun et même des Longjing (Puits du dragon), « issus de cultivars qui s’épanouissent  à plus de 3 000 km de leurs terroirs d’origine » ? Cependant, l’équivalent d’une IGP (indication géographique protégée) protège les cueillettes de Longjing, comme pour signifier que le thé vert du Zhejiang, classé comme le premier grand cru de thés de Chine, reste à l’image du Champagne, le seul et l’incomparable dans sa catégorie…

    Quand le thé chinois s’ouvre au monde

      Le passionnant ouvrage de Katrin Rougeventre, dense, bourré d’anecdotes, illustré par des cartes, des dessins et des photos (la plupart prises par l’auteur) et réjouissant à chaque page (elle fait souvent référence à Lu Yu, le « dieu du thé »), rappelle les origines de la fabrication des thés et notamment les thés verts. Elle raconte que le commerce du thé fut accéléré sous l’ère de l’empereur Kubilai Khan (1215-1294), en pleine dynastie des Yuan, grâce aux nouvelles routes des caravanes et au goût plus affiné des thés verts que l’on prépare avec attention. On passe alors à la vapeur les feuilles fraîchement cueillies, avant d’être roulées encore humides, puis on les sèche au-dessus d’un feu. « On a là, explique Katrin Rougeventre, l’essentiel de la technique de fabrication du thé vert : la neutralisation par la vapeur des enzymes responsables de l’oxydation, un façonnage des feuilles pour libérer les arômes et un séchage pour préserver le thé te permettre son stockage. »

       Et si Le Grand Bond en avant comme la Révolution culturelle de Mao ont freiné la théiculture chinoise (sans parler de la destruction des maisons de thé « aux loisirs improductifs »), on peut dire que grâce à Deng Xiaopinng, dès 1977, le thé chinois n’a cessé de subir un véritable essor en suivant la voie de l’économie de marché… Cette aventure extraordinaire est racontée magistralement par Katrin Rougeventre, avec qui l’on pourra prolonger sa vision du renouveau des thés chinois (du thé vert au Pu er en passant par les Keemun et les Oolong…) en allant boire un tasse de thé à « L’Essence du thé »  où elle tient salon, dans le 6e arrondissement de Paris.

     

    • L’Empire du Thé, le guide des thés de Chine (plus de 200 jardins prestigieux analysés), Félix Torres Editeur – Michel de Maule, 504 pages, 34 €.

 

2 Comments

  1. Un bel hommage d’un spécialiste du thé à une experte, le livre doit être vraiment exceptionnel!

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