Le Musée d’Orsay réunit une belle collection de portraits de Cézanne mais peine à nous faire comprendre la leçon du maître provençal.
En consacrant une exposition aux portraits de Cézanne, le Musée d’Orsay fait découvrir aux visiteurs une partie moins connue de son œuvre. On pénètre l’intimité du peintre à travers les figures de ses proches. Mais Cézanne ne pose pas pour autant un regard tendre sur ces derniers, bien au contraire.
Il se refuse à les représenter sous leur meilleur profil ; d’où des portraits lugubres, des couleurs ternes et des visages malades. Les portraits des membres de la famille forment une drôle de galerie, avec l’épouse à la remarquable inexpressivité, la sœur à la terrifiante pâleur, le fils à l’air benêt et l’oncle aux traits grossiers. Cézanne ne s’épargne pas non plus lorsqu’il se représente le teint livide, l’air ahuri, les yeux hagards et injectés de sang.
Cézanne manie le couteau (de peinture) comme nul autre ! Son style cinglant schématise les traits, géométrise les formes et fige les figures. Ses toiles s’apparentent alors davantage à des natures mortes qu’à des portraits. Antony Valabrègue qualifia son travail de « peinture de maçon » à cause des touches épaisses et empâtées qu’il appliquait sur ses toiles.
Le peintre baptisa lui-même sa première période « couillarde » – c’est dire. Seuls quelques modèles sont épargnés par le pinceau assassin du peintre, comme son confrère Achille Emperaire, dont le corps difforme aurait pourtant facilement pu être tourné en caricature.
Des portraits peu mis en valeur
On ne peut que saluer l’effort pédagogique de l’exposition, mais les commentaires trop nombreux, mal répartis et pas toujours cohérents vis-à-vis des œuvres desservent les toiles. On a le sentiment que les concepteurs, tels des écoliers peu inspirés, ont essayé de plaquer à tout prix des réflexions critiques sur les portraits, appliquant une grille de lecture rigide aux œuvres.
Les lieux communs esthétiques concernant Cézanne sont scolairement rappelés : géométrisation des figures ; adéquation entre la figure représentée et l’arrière-plan ; distanciation entre le modèle et le peintre/spectateur. Mais le caractère précurseur de l’œuvre de Cézanne est tout juste effleuré, et ce malgré la riche intertextualité qu’offraient les œuvres exposées, notamment avec le cubisme.
La scénographie laisse elle aussi à désirer. La chronologie surgit en plein milieu de l’exposition sans crier gare, les commentaires des œuvres disparaissent dans les deux dernières salles, tandis que le code couleur des panneaux d’exposition, au lieu de mettre en avant les œuvres, brouille les repères d’un parcours décousu.
Mais le miracle de l’art n’en advient pas moins par moments ! Comme lorsque le réel et l’art tendent à se confondre, l’indifférence de certains visiteurs répondant étrangement à l’ennui apparent des modèles portraiturés. « La lecture du modèle, et sa réalisation, est quelquefois très lente à venir pour l’artiste », confiait Cézanne. Pour le spectateur, les processus de compréhension et d’appréciation peuvent être longs à venir aussi.
Maxime Grandgeorge
Exposition « Portraits de Cézanne », jusqu’au 24 septembre 2017 au Musée d’Orsay
62, rue de Lille, Paris.
Site Internet : http://www.musee-orsay.fr/fr/evenements/expositions/au-musee-dorsay/presentation-generale/article/portraits-de-cezanne-46126.html?tx_ttnews%5BbackPid%5D=254&cHash=290fd499b0
Images :
Poster un Commentaire