Où commence le Sud quand on est allemand ? À la Nouvelle Pinacothèque de Munich, un tableau d’Overbeck (1789-1869) montre deux femmes aux visages de vierge se tenant la main en signe d’une amitié profonde.
La brune s’appelle l’Italie, la blonde la Germanie. Et si « l’État-libre de Bavière » formait un trait d’union entre ces deux cœurs battants ?
Savez-vous que Venise est à moins de 500 kilomètres de Munich et qu’en italien, on appelle la capitale bavaroise…Monaco ?
D’ailleurs, le fameux Louis II, par son goût des palais, a tout l’air d’un prince venu de la botte. Si la folie des grandeurs le ruina, celles-ci sont aujourd’hui le produit d’appel de la Bavière.
Quoique de construction très tardive, ces châteaux frivoles et prestigieux rapprochent l’Allemagne des pays latins.
Dès lors, une première escale s’impose sur l’île de Chiemsee dont la douceur vous transporte déjà sur l’archipel des Borromées.
Au milieu des voiliers s’égayant sur la « mer bavaroise », les touristes y admirent la réplique de Versailles. Peu importe que seize pièces seulement soient dignes d’être visitées et que les ailes du château n’aient pu être bâties, puisque « le roi perché » n’y reçut jamais personne !
Et pourtant, on se prend à rêver d’un bal à la Downton Abbey dans cette galerie des glaces plus longue que la nôtre de 25 mètres. Moins connu que Neuschwanstein – dont la silhouette fut galvaudée par Disney –, Herrenchiemsee s’apprécie pour son cadre bucolique et son inutile beauté.
Vive l’empereur !
Mais la Bavière, c’est aussi les montagnes. Plus au sud, suivant l’axe majeur Munich-Innsbruck-Vérone, s’étend à la frontière du Tyrol la région du Kaiser-Reich. Rien à voir avec le casque à pointe de l’empereur Guillaume II. Là-bas, la cuirasse est rocheuse. Quant aux pointes, elles imitent l’élégance de leurs grandes-sœurs italiennes, les Dolomites.
Le Wilder Kaiser aligne de splendides parois surplombant des alpages impeccablement tondus. Sur un ciel bleu azur, on donne dans le cliché à la Heidi, avec ses chalets-auberges fleuris et cossus. Celui de Wochenbrunner Alm, magnifique balcon suspendu, héberge une réserve d’animaux où le bois des cerfs côtoie les serres des choucas. Plus haut, les amateurs d’abîme se font des frayeurs en famille sur des via ferrata parfois athlétiques, comme celle du Jubiläum. Culminant à 2300 mètres, le Massif de l’Empereur, tout comme les Préalpes bavaroises, présente l’immense avantage d’être sillonné par des vallées aérées, verdoyantes et peu profondes. On accède très facilement à un panorama époustouflant.
À la mass !
Bavière rime avec bière et, pour se remettre de ses émotions, on ira se désaltérer dans la bonne humeur. De nombreux villages ont une fête de la bière locale. Celles-ci sont plus authentiques que la très touristique Oktoberfest. Ainsi, à Oberaudorf , où vivent cinq mille âmes, les femmes de tous âges revêtent la Dirdnl, la robe paysanne, et les hommes la culotte de peau.
Le présent n’y insulte pas le passé : des traditions catholiques se fondent dans les mœurs montagnardes – et le tout rend les gens solidaires : qu’on soit patron ou ouvrier, on est fier de porter la Vierge à la procession du 15 août, et, dans le même esprit, les bras s’entrelacent naturellement sur les bancs du Bierzelt . La fête de la bière, c’est comme un banquet d’Asterix, l’orchestre en plus.
Au rythme de l’Alpenrock, on monte sur les tables et on « descend » les Mass que posent des serveuses au décolleté pigeonnant. Servir la bière est plus qu’un rituel ; c’est un métier attitré qui se transmet de mère en fille.
Tout comme l’Autriche alpine, la Haute-Bavière offre des prestations équivalentes à celles de la Suisse, pour des prix inférieurs. Auberges, hôtels et autres pensions sont innombrables, y compris en altitude où les refuges tutoient effectivement les étoiles. Le tourisme est sportif mais familial. Si on sait s’amuser, on a horreur du sans-gêne, du bruit intempestif et des horaires décalés.
En fait, la deutsche vita mêle la rigueur du nord à la légèreté du sud. Comme dans le tableau d’Overbeck, il règne une quiétude qui se fait plutôt rare en Europe.
En Bavière, pour die Einheimischen, la question devient d’autant plus cruciale que l’afflux des migrants et l’apparition du terrorisme semblent devoir remettre en cause un mode de vie qui ne connaît pas la crise.
Annet SAUTY de CHALON
Pratique :
Kaiser-Reich
Oberaudorf et ses environs
Comment y aller ?
La Bavière est très accessible par autoroute. Le plus direct est de passer par l’A4, peu fréquentée, jusqu’en Alsace. Suivre la direction Munich puis Innsbruck.
Oberaudorf est l’avant-dernière sortie avant l’Autriche. Comptez dix heures. Attention : si les autoroutes allemandes sont gratuites, de nombreuses portions sont en travaux et la vitesse y est souvent limitée. Un trajet plus long mais plus pittoresque consiste à passer par le sud, en traversant la Suisse à hauteur de Bâle et de remonter la vallée de l’Inn jusqu’en Bavière. Oberaudorf se trouve à une heure de Munich, d’Innsbruck et de Salzbourg.
Où dormir ?
Si vous aimez la solution de l’appart’hôtel, la Ferienwohnanlage Brünnstein est d’un excellent rapport qualité-prix pour un quatre étoiles. Piscine chauffée et parking couvert, environnement champêtre mais proche du centre du village. La famille Wolf est aux petits soins. www.fwa-bruennstein.de
Où prendre ses repas ?
Les offres sont pléthoriques, alors pourquoi pas chez Keindl, à Niederaudorf, le village voisin. Le chalet-hôtel typique est monumental et bien meublé. La famille Waller maîtrise toute la chaîne alimentaire : de l’élevage de bœufs à la boucherie-charcuterie maison. Carte raisonnable. www.hotel-keindl.fr
Où manger des gâteaux ?
Chez Rechenauer, à Oberaudorf. Boulangerie-pâtisserie de premier choix. Une institution vieille de 500 ans (!), située en plein centre en face du Maibaum, l’Arbre de mai, tradition typique des villages de Haute-Bavière.
Que visiter ?
Évidemment, les trois Pinacothèques de Munich (L’Ancienne, la Nouvelle et la Moderne) abritent une infinité de chefs d’œuvre de l’art européen. Les commentaires des audioguides sont excellents. Comptez au moins trois heures par musée. Attention : l’Ancienne est partiellement close jusqu’en 2017 et la Nouvelle devrait bientôt fermer pour quatre ans de travaux.
– Le château de Herrenchiemsee, réplique de Versailles, est à une demi-heure d’autoroute. La navette fluviale propose des tours plus ou moins longs sur le lac de Chiem. Le château se situe sur l’île aux Hommes mais l’île aux Dames (Frauenchiemsee), dotée d’un couvent, est un bijou.
Où se procurer des sensations ?
Sommerrodelbahn Hocheck, la plus longue luge d’été d’Europe (1100 mètres !). On y accède en télésiège. Départ à deux pas du centre d’Oberaudorf. Surtout ne pas freiner !
Où se promener ?
À faire absolument : l’ascension du sommet local, le Brünnstein (1619 m), surmonté d’une jolie petite chapelle. La via ferrata qui y mène est un must. Elle s’appelle Dr. Julius Mayr-Weg. Certains passages sont exposés mais un équipement n’est pas nécessaire. Vue imprenable sur le Wilder Kaiser, le Massif de l’Empereur, que les plus sportifs connaissent pour ses voies d’escalade. La célèbre via ferrata du Jubiläumsteig est un enchantement. Prévoir d’assurer les enfants à la corde fixe.
Où se baigner ?
Au Lugsteinsee. Lac creusé avant la guerre à flanc de montagne, entre Oberaudorf et Mühlbach. Un lieu de détente surtout fréquenté par les locaux.
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