Le piège de l’envoûtement

Avec L’Adaptation, son quatrième livre publié chez Pierre-Guillaume de Roux, le romancier et nouvelliste belge Michel Lambert, pas assez connu en France, s’immisce dans le milieu fermé du cinéma.

Le piège de l’envoûtement, roman psychologique, paraît alors idéal pour être adapté à l’écran. On plaint le réalisateur qui devrait avoir autant de mal à choisir ses acteurs que le narrateur les siens pour son film dans cette adaptation qu’on croit ne jamais pouvoir être tournée…

Car au-delà de la volonté de tourner un film à partir d’un roman – en l’occurrence La Jeune Fille brune, d’Alexandre Tisma -, qui met en situation une femme énigmatique mais ensorceleuse, séductrice mais pernicieuse, le lecteur se prend au jeu des personnages, sans vrai héros, sans véritable héroïne, mais mettant en lumière des êtres de chair au tempérament trempé, en pleine maturité mais jamais vraiment accomplis, égoïstes et quelque peu fanés, cultivant le goût d’un bonheur plutôt amer. Roman désespéré ou très longue nouvelle confinant à l’absurde, L’Adaptation pourrait se résumer par cet aveu, relevé à la page 215 : « Je riais, c’était la seule chose que je savais encore faire, comme si le rire pouvait charrier tout la crasse qui m’encombrait l’esprit ».

Tout commence pour le narrateur, célibataire depuis la mort de sa femme, par une rencontre fortuite dans une galerie d’art qui expose une certaine Betty. Il sympathise avec cette jeune femme qui aurait pu être peinte par Delvaux, parle avec un léger accent, « ses longs cheveux ondulés hésitant entre le châtain et le roux », s’apercevant vite qu’elle est aussi seule que lui. Comme s’il n’avait rien à perdre, ce personnage un brin baudelairien se lance dans l’aventure d’un soir, surpris que la proie se soit laissée prise au piège.

Michel Lambert ménage son suspens, cultive les faux semblants, déjoue les évidences et au fil du roman, raconte l’histoire d’un homme qui se croit libre et qui finalement comprend qu’il est peut-être une marionnette autant pour ses maîtresses que pour ses actrices.

Sans tout dévoiler, effleurons seulement la lucidité confondante du narrateur, qui, envoûté par un tableau offert par Betty, peut confier cette vérité : « Je me disais qu’elle avait réussi à traduire dans la peinture ce que j’avais échoué à faire passer dans mon cinéma. Après m’avoir ensorcelé avec son corps, voilà qu’elle m’envoûtait par son talent. »

N’est pas Dorian Gray qui veut. Lisez L’Adaptation comme un roman de l’envoûtement, où l’amitié, la fidélité, la possession, apparaissent comme des cartes dans un jeu singulier, mêlé de sensualité, d’érotisme et de liaisons dangereuses.

L’Adaptation, de Michel Lambert,

Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 250 pages, 20 €.

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