Mariages à la grecque

De septembre à janvier, les livres se ramassent à la pelle mais les bonnes pioches demeurent toujours aussi rares. Quel ne fut ainsi pas mon bonheur de me plonger dans le dernier opus de Stéphanie des Horts, Les sœurs Livanos (Albin Michel), qui illustre merveilleusement le proverbe énonçant que l’argent ne fait pas le bonheur.

La cadette, Tina, jette son dévolu sur Aristote Onassis, tandis que  son aînée, Eugénie, aussi brune que sa sœur est blonde, vampe son ennemi juré, Stavros Niarchos, déchaînant les éléments sur lesquels ces deux titans s’affrontent avec fureur et excès. Nous voguons en pleine tragédie grecque, entre Olympe et Styx. Les deux beaux-frères, répliques fidèles de Zeus et de Poséidon, luttent à coups d’îles enchantées, Spetsopoula pour Niarchos, Skorpios, perle de la mer Ionienne pour Onassis, de flottes gigantesques de tankers, de ribambelles de toiles de maîtres. Onassis est, certes, court sur pattes mais il ne joue jamais petits bras et trouve en Niarchos un rival à sa démesure.

Et l’amour dans tout ça ? On ne lie pas impunément son destin à un dieu grec, la mythologie l’a suffisamment répété. Zeus et Poséidon sont insatiables, boulimiques de pouvoirs et de succès féminins. Onassis n’a plus à se métamorphoser en taureau pour séduire Maria Callas ou enlever Jackie Kennedy, « la plus grande des garces ».

Niarchos n’est pas en reste avec la toute jeune Charlotte Ford puis, les Atrides ne sont décidément pas très loin, sa propre belle-sœur qui prend, incontinente, la place d’Eugénie, un peu plus d’un an après son suicide.
C’est que fréquenter des monstres sacrés n’est pas une sinécure, la tentation des pilules de l’oubli est forte,  les ailes brûlant immanquablement à l’approche de l’astre du jour quand celui-ci n’a pas la main un peu lourde.

Alors triste cette histoire ? Pas du tout grâce au talent  et à la finesse de Stéphanie des Horts qui sait, en bonne lectrice de P.G. Wodehouse, nous amuser en nous baladant aux quatre coins du globe. Voilà Claude François qui discute carrière avec Maria Callas.

Plus loin, Richard Burton noie son chagrin dans du whisky, sa « caillasse » ne pouvant rivaliser avec le diamant taillé par Héphaïstos en personne.  Pamela fait encore parler d’elle (relire d’urgence le livre éponyme de Stéphanie et rajoutez-y, pour votre plus grand plaisir, tous les autres, de la superbe La Panthère ou remarquable Bal du siècle, en passant par quelques bijoux de la couronne comme La splendeur des Charteris, Le diable de Radcliffe Hall ou La scandaleuse histoire de Penny Parker Jones), Agnelli peine à l’oublier comme ce pauvre Randolph Churchill, d’ailleurs.

Ah, les femmes ! Ah, les hommes me répondra-t-on. L’amour demeure une tragédie dont il est urgent de rire. Stéphanie des Horts, qui partage avec Les sœurs Livanos, « la beauté, l’intelligence, l’élégance » nous y invite avec son dernier livre qui se dévore comme une folle passion.

 

 

François Jonquères

Stéphanie des Horts, Les sœurs Livanos (Albin Michel)

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