Ça y est, les prix d’automne sont décernés aux amis par de vieux camarades qui attendent, bien sûr, retour sur investissement et déjà les bandeaux rouges envahissent les librairies. Attention, ne vous précipitez pas dessus comme un bête taureau sur la muleta, un sort funeste vous y serait réservé. Préférez les chemins de traverse, les hors-pistes bien gaillards, loin des sentiers battus et archi-rebattus.
Soyez libres quoi, vivants et autonomes, à rebours de conventions trop convenues. Remontez donc plutôt La montre d’Errol Flynn, cet immense acteur qui ne dédaignait ni Conrad ni Stevenson.
Le vent du large s’invite immédiatement, du Capitaine Blood au Vagabond des mers (adaptation du Maître de Ballantrae, un roman merveilleux de Stevenson qu’il est aussi urgent de redécouvrir).
Cette biographie à rebours sera le meilleur des remontants pour finir l’année sabre au clair et soleil au cœur. Flynn, c’est une légende dorée sur tranches d’orange à la vodka, un bourlingueur de première, chercheur d’or à ces moments perdus, séducteur patenté, une gueule, un mythe sur des jambes sans fin. Jean Tulard a raison, son Robin des bois est « l’un des meilleurs films jamais réalisés à Hollywood ».
Mon père m’en parlait toujours avec émotion, lui qui se souvenait d’une projection peu de temps après la Libération et d’une salle qui rugissait de bonheur en voyant les cuisseaux de chevreuil passer de mains en mains et les broches rôtir des sangliers entiers.
Avec sa Reverso, Cérésa s’invite dans la danse, jumeau cosmique du bel Errol, un exploit que ses glorieux aînés, il semble préférer Dumas à Hugo, apprécieront en connaisseurs. Au fil des pages, David Niven viendra vous saluer, vous croiserez, plus loin, Jacques Laurent et Antoine Blondin, avant que vous ne tombiez sous le charme du regard magnétique d’Ida Lupino, le seul amour de sa vie, heureuse proposition pour celui qui accumula les conquêtes comme d’autres les bévues. Ainsi, il fut un temps où de grands acteurs remplaçaient les effets spéciaux. Et il est aussi un temps, même s’il tend hélas à disparaître, où de grands livres savent encore vous emporter au-delà du miroir.
C’est cela le tic-tic-tac des Gensdelettres, des derniers Mohicans d’une littérature débridée, cheveux et plume au vent. Alors, j’écris, je crie, « Merci Monsieur Cérésa ! Merci Errol ou qui que vous soyez ! ». En terminant votre lecture, une évidence bien gauloise s’imposera à vous : « Ils sont fous à l’Allié ! »
François Jonquères
La montre d’Errol Flynn de François Cérésa, Ecriture
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