Christian Bobin dans Les Cahiers de l’Herne : une juste reconnaissance.

Christian Bobin à l’honneur dans Les Cahiers de l’Herne : une juste reconnaissance.
La nouvelle est réjouissante à un double titre. Elle met en lumière la navigation inspirée des éditions de L’Herne qui, depuis plus de soixante ans, loin des sentiers battus, publient de grandes monographies critiques en ouvrant la porte à des auteurs souvent à contre-courant des idées à la mode.
En associant Christian Bobin à sa sélection, L’Herne malmène les égarements de la critique littéraire contemporaine qui, depuis les années 90, l’ont maladroitement emmuré dans une case : celle des écrivains « Moins que rien » ou encore « Bons à quoi ? » parmi lesquels des Philippe Delerm, Eric Holder, jusqu’à un Paolo Coelho dont on se demande bien ce qu’il vient faire dans cette galère.

Voilà bien un retour de manivelle éclatant. Car Christian Bobin dérange ; il bouscule au premier chef l’antichristianisme de nos sociétés occidentales sécularisées qui aime dresser des listes de suspects. L’auteur a osé consacrer un ouvrage à François d’Assise1 qui, de surcroît, a obtenu trois prix littéraires et pas des moindres. Et ce François d’Assise, mal connu ou inconnu d’une société culturelle sans repères, revu et corrigé sous la plume de Bobin, méritait-il vraiment ce triple couronnement ?

Christian Bobin inquiète la bien-pensance médiatique littéraire ; il semble même qu’il épuise (sic) certains de ses lecteurs. Ce « voyageur immobile » a en effet préféré la forêt de l’ancien bailliage de Montcenis, en Bourgogne-Franche-Comté aux rendez-vous littéraires parisiens minés par une communication conventionnelle et codée. Il a délibérément choisi de tracer seul son chemin de mots. Il le fait en compagnie de Léon Bloy, Simone Weil, Pierre Michon, André Dhôtel ou Ernst Jünger.
C’est un esprit libre, sa prose est toute empreinte de spiritualité et son église est chrétienne. Rien qui ne satisfasse vraiment une société où l’homme d’aujourd’hui est prisonnier de sa liberté, parce qu’il est son propre dieu et ses caprices sa propre loi. De là à porter sur l’écrivain un regard condescendant ou goguenard, et de qualifier ses écrits de risibles, naïfs ou coincés, il n’y a qu’un pas qui sera vite franchi par la critique.

Christian Bobin regarde vers le ciel pour nourrir sa vie intérieure ; il nous propose d’enrichir la nôtre. Le nombrilisme n’est pas son affaire ; il n’a pas envie d’ouvrir la fenêtre pour se voir passer dans la rue ! Son œuvre est écrite sous le signe de l’harmonie entre le monde et les mots. Ses amis le savent bien qui ont contribué à ce Cahier de l’Herne. Car « pour comprendre quelqu’un, il faut le séparer de ce qu’il dit, prendre garde aux variations du souffle, à cette architecture monacale du silence que chacun construit en parlant2 » : Éloge de la pudeur et du respect de l’autre.

Ainsi, Pierre Magnard, son professeur de philosophie à l’université de Dijon, Alain Borer, Anne Queffélec, Olivier Py, Jérôme Garcin, et bien d’autres ont participé à l’élaboration de ce Cahier de l’Herne. Ce sont autant de témoignages et d’articles thématiques sur l’auteur et son œuvre, qui retracent le parcours singulier de celui qui se qualifie lui-même de « guerrier contemplatif », et que certains avisés tentent à présent de placer au plus haut de la littérature contemporaine.

Catherine Distinguin

A lire : 

Cahier Christian Bobin, de Claire Tiévant et Lydie Dattas, Éditions de Lherne, 288 p., 33 €.
1 Le Très-Bas, Gallimard, coll. L’un et l’autre – Prix des Deux-Magots 1993, Prix Joseph Delteil 1993, Grand prix catholique de littérature 1993.
2 La nuit du cœur, Gallimard NRF – p. 177.

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.