Les Photaumnales : Hors jeux, les photographes regardent le sport.  

Depuis 2004, ce Festival représente un temps fort de la photographie sur le Territoire des Hauts-de-France. Avec chaque année un thème différent, plus d’une centaine d’artistes exposent leurs œuvres dans des lieux différents : dans des villes comme Beauvais, mais aussi dans certains bourgs ou même des villages, des collèges, des lycées, des parcs…. avec des messages différents, personnels et qui peuvent toucher ou faire vibrer d’une manière différente le public. Chaque photographe avec ses photos renvoie à une lecture ou peut simplement interroger, dans un esprit d’échanges et de découvertes. Cette édition « Hors jeux » aborde la thématique sportive, sous toutes ses formes.  Les Photaumnales c’est aussi le prétexte d’un beau parcours et d’une découverte de certains lieux. 

 

Un accès de proximité à la culture de l’image

Les lieux culturels et collectivités territoriales ont permis à des photographes de s’approprier les lieux et d’en faire une exposition en plein air, permettant à chacun de découvrir la photographie et des ressentis face à ces images. Ces rencontres sont souvent accompagnées de médiations à destination de tous les publics.  Cette édition s’inscrit dans l’Olympiade culturelle en région Hauts-de-France.

Les photos, témoignage de l’histoire

Thomas Sauvin, grâce à la découverte par hasard de 300 images chez un brocanteur, a permis de faire revivre une période appelée « Le Grand bond en avant » en Chine (de 1958 à 1962). Ces photos sont à la fois un témoignage historique touchant d’un photographe anonyme, avec des clichés en noir et blanc, pourtant uniques et qui représentent des athlètes. Thomas Sauvin permet ainsi à ces athlètes et à ce photographe de passer d’un « travail » à un art, et de sortir enfin de l’anonymat pour une reconnaissance posthume émouvante et amplement méritée.

Les témoignages sociaux

A la fois spectacle, sport, mais aussi symbole social, les femmes lutteuses en strass, au Mexique, retracent sur le ring leur histoire, entre souffrance, défaite, justice. Les jeunes femmes masquées deviennent en ce lieu des héroïnes pour se construire un avenir meilleur. Elles sont ainsi le symbole d’une lutte contre le sexisme et la pauvreté. Le photographe Théo Saffroy vit entre Paris et le Mexique. La rencontre avec ces femmes est, au-delà de la photo, une rencontre sociologique. Habitué du Mexique, le pays l’attire et notamment ces témoignages de rues, de spectacles, symboles du théâtre de la vie.  Malgré les douleurs passées de ces femmes, l’artiste leur permet de se révéler de manière positive, battante, haute en couleur, pour des jeux semblables aux jeux du cirque, ou pour un ballet de la vie, pour peut- être ou sûrement échapper à la dureté du monde réel.

Comme tant d’autres photos, il faut voir celles de Luisa Dörr au-delà des apparences.
Les images représentent des femmes boliviennes en grandes jupes volumineuses, et là encore il peut s’agir de photos très esthétiques de voyages.  Pendant des décennies ces femmes ont été l’objet de discriminations. Aujourd’hui on les découvre avec un skate et baskets en tenue traditionnelle, uniquement lorsqu’elles font du skate pour faire passer un message d’inclusion et d’acceptation de la diversité.  Luisa Dörr est brésilienne, et son travail est principalement axé sur les figures féminines. Au-delà de l’esprit revendicatif symbole de ces photos, l’artiste en a fait une traduction douce et poétique, dans des paysages colorés et folkloriques qui font rêver. 

Charles Thiefaine, témoigne aussi à travers la photographie d’une certaine dureté de la vie à travers des épisodes de joie, des paysages de films qui font rêver, à côté d’autres qui témoignent de la douleur de la guerre et des destructions d’un pays. L’artiste vit entre la France et le Moyen Orient. Lui aussi est attiré par un pays dont les médias occidentaux ne montrent que les destructions et l’horreur de la guerre. Notamment à travers le sport, de jeunes syriens à Raqqa apprennent à créer des parenthèses de bonheur et de partage. Il s’agit d’un témoignage entre documentaire et photographie, mais à travers les clichés, ce sont des histoires auxquelles on s’attache comme ce père et son fils qui traversent le désert en moto …pour un autre monde, d’autres significations et d’autres langages.

 

Des photos qui défient l’espace

Les photos qui s’intitulent « La chute » défient l’espace et sont à la fois étonnantes, esthétiques, comme un ballet aérien. Le visiteur observe et peut s’interroger sur les prouesses réalisées par ces danseurs de hip hop. A nouveau, les photos renvoient à une situation sociale et Denis Darzacq a voulu montrer à travers ces jeunes danseurs, un acte hors norme, pour s’arracher aux pesanteurs sociales. Il emprunte la culture de la rue comme lieu d’expression. Bien qu’intitulé la « chute », ce reportage illustre plutôt un saut. Il faut saluer le talent artistique et la prouesse du photographe, qui a su capter l’instant présent, de jeunes saisis dans ces mouvements et précisons-le, sans le recours du collage numérique.  « La chute » a remporté le 1er prix au World Press Photo 2007.  

Céline Villegas a filmé les ballets aquatiques, pour ces corps en apesanteur. En suivant les entrainements, elle a découvert, au-delà de l’esthétisme une technique très exigeante.

La pratique lente du collodion

A travers une technique d’une autre époque, qui se veut lente, un peu figée et qui fait bouger l’imagination, Thomas Halkin a choisi cette technique complexe pour illustrer un sport contemporain : le football américain avec le club de Rouen. Il confronte ce sport dans lequel rapidité et technicité sont de mise, avec cette technique ancienne qu’est le collodion humide, qui requiert un temps de pause important. Le résultat est étonnant, très esthétique voire sculptural avec des détails minutieux où l’on sent presque la personnalité du sportif, son effort. Il s’agit d’une exploration dans le temps et dans l’espace.   

Sabi Singh, dans un autre style, pratique la photographie argentique pour ses sujets liés au foot, et sa manière de raconter le sport est lié aux vêtements sportifs, désormais présents dans notre quotidien.   

Une appropriation de l’espace

Au-delà de ce qui existe, des lieux, des sculptures, certains photographes se réapproprient l’espace à leur manière comme Guillaume Martial qui a effectué un travail sur l’espace sportif et son appropriation corporelle. Ancien sportif de haut niveau, il défie ici les lois de la gravité en représentant le sport dans une double lecture, à la fois burlesque et poétique.

D’autres ont traduit à travers leur passion, celle du roller, les habitudes de communautés à Chicago ou à Détroit. Brice Krummenacker explore l’univers du roller afro américain aux Etats-Unis et le traduit dans un univers coloré et pop en mélangeant l’humour, la réflexion sociale et la créativité.

Cette 20e exposition des Photaumnales propose quarante expositions grand public souvent en extérieur à Beauvais, Amiens, Creil, Berck-sur Mer. Le festival renforce sa présence en milieu rural, une façon de faire venir un langage culturel auprès de chacun et de permettre cette interrogation au-delà des images. Car il s’agit bien de cela : au-delà de l’esthétisme de la photo, le photographe fait passer un message, un symbole en lien avec sa vie, ou une lecture en lien avec des symboles sociaux, historiques ou contemporains. C’est en connaissant le chemin de vie de ces artistes que l’on comprend mieux la traduction de leurs images. Chaque visiteur a ainsi le choix entre plusieurs lectures qui peuvent renvoyer à sa propre créativité, à son imagination, ou à ses rêves.

 

Ysabelle J.

Jusqu’au 31 décembre 2023

Les Phautomnales à Beauvais

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