La Cancel Culture : l’enfer, c’est l’Autre !

 
Bret Easton Ellis (BEE) est accablé de qualités comme un ciel de juin est constellé d’étoiles. Non seulement, de sa plume agile et indépendante, il ose peindre, dans un style qui lui est personnel, la société américaine, avec une appétence particulière pour les gosses de riches (nous en avons encore quelques-uns en France, sous réserve de domiciliation fiscale des parents à l’étranger) mais, en plus, mettez votre progéniture direct au lit, il saupoudre le tout de cocaïne en stock, de bronzage Malibu, de lunettes de soleil Wayfarer et de références musicales baroques, notamment au génialissime Elvis Costello.
 
 
Imaginez un peu un gus « bien plus curieux de savoir qui une personne était vraiment que de savoir pour qui elle votait » (White) et qui a envie de se mettre dans la peau des Autres !  Sortez les camisoles, appelons la police de la pensée prise unique, le numéro Six s’évade entre deux lignes (aucune référence ici à la substance blanche évoquée tantôt), Orwell revient nous hanter !
Bref, avant même de le connaître, Bret m’est diablement sympathique, ne serait-ce que parce qu’il n’aurait jamais l’idée de demander pardon pour des crimes commis par d’Autres (forcément) trois siècles en arrière.
 

Accueillir un nouvel auteur fin connaisseur de l’œuvre de BEE, pas folle l’abeille, dans la ruche toujours bourdonnante, constitue donc un réel plaisir. Homme de convictions et brillant juriste, Olivier Amiel nous invite avec Voir le pire, à une traversée transatlantique pour le meilleur, se payant le luxe, après un passage en revue de la bibliographie de son Maître et ami, d’écorner la bien-pensance à deux balles qui croit refaire le Monde en oubliant l’immonde.

Personne n’a le monopole du Bien (fuyez d’ailleurs tous les détenteurs de vérité) et seules l’ironie et la critique peuvent espérer nous sauver de nos erreurs à répétition, dont il est cependant conseillé de garder la mémoire afin d’éviter de les reproduire un jour. Ainsi, BEE a-t-il signé, il y a quelques mois, un tweet plein de bon sens : « la cancel culture concerne essentiellement les personnes stupides qui se sentent si mal dans leur peau qu’elles doivent s’exclamer : je dois interpeller quelqu’un de pire que moi… », lesquelles transforment les réseaux sociaux en divan de psychiatre où sont souvent véhiculées les pires inepties à effet supposé anxiolytique ou antidépresseur, c’est selon.
Et c’est une chasse aux sorcières évoquant Joseph McCarthy à son apogée : Autant en emporte le vent serait fourré de préjugés racistes, Les Aristochats violeraient la sacro-sainte Diversité, le tout orchestré par le New York Times transformé en censeur universel, après son geste glorieux qui l’a vu supprimer de ses pages toutes les caricatures dessinées pour éviter de froisser des sensibilités exacerbées à allumage instantané. Mon Dieu, sauvera-t-on Le livre de la jungle en prétextant une relation zoophile entre Mowgli et Baloo ? C’est qu’autrement, vous risqueriez l’exil, le bannissement ou même la mort, comme ce pauvre Mike Adams, poussé au suicide pour abus de taquineries potaches…

 
La lecture du premier ouvrage d’Olivier Amiel est donc réjouissante à maints égards, et pas seulement parce qu’il donne une envie folle de réactiver nos neurones, de réveiller un anticonformisme salutaire dans le souci, noble et humaniste, de comprendre les Autres afin que nous participions, tous ensemble, en dialoguant (suppose un cerveau en état de marche), avec courage et honnêteté (là, on sera pas nombreux), à un monde plus juste.
Moralité : voir le pire nous invite au meilleur.
 
 

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