Au terme de ce parcours

Les NDE (en anglais : Nearth Death Experiences, ou, en français, EMI, Expériences de Mort Imminente, ou encore EFM, Expériences aux Frontières de la Mort) défrayent la chronique depuis une trentaine d’années, époque à laquelle Raymond Moody, psychiatre américain, se pencha sur ces phénomènes hors-normes. Étrangement, rien à lire – ou presque rien – avant son best-seller de la fin des années 70 !

Du moins, l’ai-je pensé ! Jusqu’au moment où j’ai entrepris mon livre, Enquête sur les NDE (CLD, 2007).
Certes, il existe un « avant » et un « après » Moody. Il existe aussi une masse de témoignages anciens relatant des NDE, ou, du moins, des expériences similaires. Ces textes ont des statuts divers et des origines variées (de Platon au Livre des morts tibétain). Leur intérêt réside d’abord dans leur éloignement géographique et culturel. Les NDE seraient-elles « transculturelles » ? Dépasseraient-elles frontières et idéologies ?

Au fond, qu’est-ce qu’une NDE ? C’est une expérience psychique, d’une très brève durée, fréquemment ordonnée en plusieurs « étapes » majeures : sortie hors du corps (ou « décorporation »), avec impression de flottement et immatérialité de la nouvelle « enveloppe » charnelle, accompagnée d’une amplification des capacités sensorielles (vue à 360 °, ouïe surprenante, etc.), trajet à grande vitesse dans un « tunnel » débouchant dans une « lumière » ineffable, rencontre avec des défunts et/ou un « être de lumière » (parfois vision de paysages somptueux et audition de musiques inconnues), retour dans le corps, puis retour à la conscience.

Toutes les NDE ont un point commun : elles se produisent en l’état de mort clinique (interruption de l’activité cérébrale et/ou cardiaque). Elles ont une conséquence existentielle : à l’issue de l’expérience, parfois après plusieurs années de silence, les témoins disent leur détachement des valeurs matérielles et leur intérêt pour les questions métaphysiques. En cela, les NDE possèdent un prolongement spirituel évident.

Aujourd’hui, ces manifestations complexes, observées à travers des milliers de témoignages, restent un mystère scientifique, non encore résolu, malgré les différentes hypothèses émises à leur sujet.

D’une part, les N.D.E. constituent un fait historique ancien, avéré et varié. Présentes en de nombreux récits mythologiques depuis l’Égypte ancienne et l’Antiquité grecque, elles occupent une place de choix dans la littérature du Moyen Âge, des textes chrétiens « apocryphes » aux récits monastiques des XIVe et XVe siècles : voyages dans l’au-delà, récits de visions…

Force est de constater aussi les ressemblances entre témoignages de NDE et récits chamaniques, bien que, le rêve ne soit pas opposé au réel dans maintes sociétés « traditionnelles » : c’est une autre faculté, réservée à des initiés, socialement reconnus : une manière différente de percevoir et d’expliquer l’univers sensoriel.

D’autre part, les NDE soulèvent toujours diverses questions scientifiques. Pour les uns, il s’agirait d’expériences « inauthentiques » bien que réelles : le résultat de mécanismes inconscients. Le sujet resterait enfermé en lui-même, clos sur ce monde, au seuil médical de la mort. L’au-delà allégué serait le produit de l’imaginaire diversement conditionné par la culture ambiante qui, souvent malgré nous, véhicule une image négative du trépas : la mort tabou, remarquablement mise en lumière par les travaux de Philippe Ariès, d’Edgar Morin, de Vladimir Jankélévitch, d’Elisabeth Kübler-Ross et d’autres. Comme le rêve, la mort a sa part de conditionnement socioculturel.

Mais depuis une dizaine d’années, grâce à l’analyse systématique de milliers de témoignages, des faits, jusque là ignorés, d’une portée sans précédent, questionnent les spécialistes, comme le docteur Jean-Pierre Jourdan et d’autres. Désormais chaque récit revêt une importance supplémentaire et chaque détail compte.

De quelle manière expliquer les changements comportementaux des personnes ayant vécu une NDE ? Simple changement de cap ? Modification profonde et durable du rapport au réel et à soi-même ? Conversion religieuse ? Une expérience illusoire ou hallucinatoire, ou un stress intense, sont-ils en mesure de modifier positivement l’orientation d’une vie ?

Les particularités sensorielles (inhabituelles et optimisées) au cours des NDE (vision « panoramique » à 360°, mémoire « holographique » : défilement des scènes de la vie du sujet placé simultanément en acteur et spectateur, perception visuelle accrue, y compris chez les personnes non-voyantes, etc.) ne sauraient être rangés au rayon des illusions, ou des impressions subjectives, floues ou irréelles.

Selon certains, cette espèce de « surcapacité » traduirait une « autonomie » de la conscience et du corps physique à partir d’un certain seuil psychique et/ou somatique. C’est la question essentielle que chaque être humain s’est posé, se pose ou se posera.

Les NDE ont une portée philosophique. Elles catalysent l’interrogation métaphysique et aiguillonnent la réflexion anthropologique.

Des médecins aux anthropologues, que chacun prenne ses responsabilités. Leur enjeu est plus important, essentiel pour l’homme, animal religieux, cherchant vérité et sens sur la vie et sur lui-même.

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