A la fin de sa vie, alors qu’il est déjà touché par la maladie qui aura raison de lui, qui le fait boiter affreusement, Manet peint un étrange tableau : Pertuiset, le chasseur de lions.
Lui qui n’a jamais voyagé, lui l’artiste dandy et maudit des quartiers Saint-Lazare, de la butte Montmartre, partagea une amitié étonnante et durable avec un dénommé Pertuiset, explorateur, chasseur, marchand d’armes et d’histoires rocambolesques, parti chasser le lion en Afrique, retrouver l’or des Incas en Patagonie ou vendre ses armes aux révolutions qui secouent l’Amérique du sud. Un personnage balourd, fantasque et naïf, sorte de Don Quichotte des temps modernes comme le XIXe siècle en plein essor colonial savait en façonner. Narrer les aventures ubuesques de ce gros bonhomme au visage rubicond fournit à Olivier Rolin l’occasion de peindre une époque riche en révolutions sociales et culturelles. On y croise pêle-mêle Manet, bien sûr, mais aussi Mallarmé, Villiers de l’Isle-Adam, Charles Cros, Berthe Morisot, Degas, tout le fleuron de l’avant-garde artistique de la deuxième moitié du dix-neuvième siècle ainsi que l’auteur lui-même, marchant sur les traces de l’explorateur français.
Le vrai tour de force, dans ce genre de roman qui flirte avec l’histoire de personnages célèbres et d’une époque déjà largement mythifiée consiste à éviter les poncifs et lieux communs constamment ressassés, ce qu’Olivier Rolin échoue à faire. Si son roman est très bien documenté, que le personnage assez ridicule de Pertuiset est bien maîtrisé, on n’évite pas les scènes de peinture dans l’atelier de Manet, la vie de bohème des artistes, l’absinthe dans les bars, bref tout un folklore bien établi qui fait ce charme vieille France dont les américains notamment sont très friands. Une belle image d’Epinal et guère beaucoup plus.
Olivier Rolin, Un chasseur de lions, Le Seuil, 235 pages, 17,50 euros
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