Pie XII, un don de Dieu

« Pie XII, un don de Dieu ».
C’est en ces termes, le samedi 8 novembre dernier, que le pape Benoît XVI clôturait le colloque Eredità del Magistero di Pio XII, organisé les 6 et 7 novembre, à l’occasion du cinquantième anniversaire de la mort du pape Pacelli, par les universités pontificales du Latran et de la grégorienne.

Sous les fresques de la Salle clémentine, peintes par Giacomo della Porta et à l’aplomb d’une allégorie de la voûte représentant le Triomphe de la Religion, le pape a rappelé que les textes de Pie XII constituent une des références les plus citées lors du concile Vatican II (plus de mille fois). Le pontife a tenu à dire aux trois cents participants du colloque reçus en audience privée que l’œuvre de son prédécesseur, qui a toujours été un ardent défenseur de la paix, avait été déterminante pour contribuer, par exemple, à la préparation de la doctrine conciliaire sur la liberté religieuse ou encore sur l’apostolat des laïcs, en inaugurant ainsi de nouveaux rapports entre l’Église et le monde. Ainsi, le cliché d’un pape traditionaliste dont l’enseignement aurait été très étranger au Concile ne résiste pas à l’examen approfondi du chercheur.

« Négociateur parfait, intransigeant et énergique »

L’avant-veille, les travaux avaient été ouverts par le Secrétaire d’État de la Cité du Vatican, le cardinal Tarcisio Bertone, dans une communication qui embrassait la totalité du règne de Pie XII sous ses différents aspects. Eugenio Pacelli reste toujours encore un pape caricaturé dont la véritable action durant la Seconde Guerre Mondiale avait été résumée, quelques années plus tard, par François Charles-Roux, alors ambassadeur de France près le Saint-Siège : « négociateur parfait, intransigeant et énergique ».

Le mythe d’un pape philonazi est une légende qui a pris naissance dans la propagande communiste, sans doute pour mieux disculper le parti d’une entente avec Hitler que l’on préférait alors faire oublier. En 1958, seule L’Humanité évoqua les « silences » du souverain pontife défunt durant la guerre dont une presse unanime glorifiait les actions en parfaite harmonie avec tous les responsables politiques dont Madame Golda Meir, ministre israélien des Affaires étrangères qui à la tribune de l’O.N.U. faisait part de son émotion : «Nous partageons la douleur de l’humanité pour la mort de Sa Sainteté Pie XII… Nous pleurons un grand serviteur de la paix et de la charité. Pendant les dix années de la terreur nazie, quand notre peuple a souffert un martyre effroyable, la voix du pape s’est élevée pour condamner les bourreaux et pour exprimer sa compassion envers les victimes». D’autres témoignages mériteraient d’être rappelés comme celui, plus inattendu, d’Albert Einstein qui est allé jusqu’à déclarer: « L’Église catholique a été la seule à protester contre les assauts hitlériens portés à la liberté. Jusqu’alors, je n’avais pris aucun intérêt pour elle, mais aujourd’hui j’éprouve une grande admiration pour l’Église, qui seule a eu le courage de se battre pour la vérité spirituelle et la liberté morale ».

Pie XII a combattu autant l’hitlérisme que le communisme

Les historiens modernes, ignorant la plus grande partie de la biographie du personnage, ont trop souvent utilisé une documentation secondaire (celle, par exemple, des rapports d’ambassade accréditées près le Saint- Siège) alors qu’à la demande expresse du pape Paul VI, les archives du Vatican sur cette période ont été rendues accessibles dès 1964. Pie XII a combattu autant l’hitlérisme que le communisme avec la volonté, en rejetant toute idée de société binaire, de construire un monde nouveau. Ainsi qui se souvient-on encore de sa ferme condamnation, en 1915, de la répression antisémite qui sévissait en Pologne ?

Les travaux du colloque mirent essentiellement en lumière le rôle novateur de Pie XII tant sur le plan doctrinal (dogme de l’Assomption), pastoral voire même liturgique, faisant apparaître ce pontife encore constantinien comme l’un des précurseurs de Vatican II.

Une exposition présentée au Vatican, dans le Bras de Charlemagne, du 4 novembre au 8 janvier 2009 accompagne ces réflexions : Pio XII, l’uomo e il pontificato (1876-1958). Organisée par le docteur Giovanni Morello, l’exposition retrace la vie d’Eugenio Pacelli depuis sa tendre enfance en offrant nombre de documents inédits qui introduisent parfois le visiteur dans l’univers familier du pontife ou lui permettent de découvrir de nouveaux témoignages de gratitude inédits comme celui, daté du 22 juin 1944, d’André Zaoui, aumônier israélite du Corps expéditionnaire français dont on trouvera le texte ici en annexe.

Pie XII, un don de DieuEn évoquant, au terme de son propos, l’ouverture du procès en béatification de Pie XII, première étape à franchir en vue de son éventuelle canonisation, le cardinal Bertone devait préciser que cette question ne saurait relever que de l’unique compétence de l’Église et de nulle autre institution ou groupe de pression.

Lettre adressée au pape Pie XII, le 22 juin 1944, par André Zaoui, aumônier israélite, capitaine du Corps expéditionnaire français.

À Sa Sainteté Pie XII, chef de la chrétienté,

Que Votre Sainteté daigne me permettre de me rappeler à son bon souvenir. Je suis le rabbin de l’Armée française venu vous voir à l’audience publique que Vôtre Sainteté a bien voulu accorder aux nombreux officiers et soldats alliés le mardi 6 juin 1944 à 12 h 20. Je rends grâce à l’Éternel de m’avoir accordé de voir ce jour où je pus dire au chef de l’Église les sentiments de profonde reconnaissance et de très respectueuse admiration de mes frères israélites du Corps Expéditionnaire Français, pour le bien immense et la charité incomparable que Votre Sainteté a prodigués aux Juifs d’Italie, notamment aux enfants, femmes et vieillards.

Il m’a été donné de visiter l’Instituto Pio XI qui a protégé durant plus de six mois une soixantaine d’enfants juifs dont quelques petits réfugiés de France. J’ai été très ému de cette sollicitude paternelle que tous les maîtres apportaient à ces jeunes âmes : « Nous n’avons fait que notre devoir » me dit simplement le prefetto.

Quelle ne fut pas encore mon émotion lors de l’office religieux du jeudi 8 juin qui consacra la réouverture de la synagogue de Rome fermée par les Allemands depuis octobre dernier. Un prêtre français, évadé de France, qui rendit lui aussi d’innombrables services à de nombreuses familles juives de Rome, et qui était présent à la synagogue, le RP Benoît, fut acclamé par la foule des fidèles à qui il dit des paroles de sympathie qui touchèrent profondément ces âmes encore endolories. « J’aime les Juifs de tout mon cœur » dit-il en autre. Comme ces mots résonnent dans ma mémoire. Ils me rappelèrent ceux que Sa Sainteté Pie XI dit à la chrétienté : « Nous sommes spirituellement des sémites ».

Quelle magnifique manifestation de fraternité, si grande dans sa simplicité intime. Israël ne l’oubliera pas. Coûte que coûte, il continuera d’accomplir sa mission, en pratiquant et en enseignant sa loi d’Amour de Dieu et du prochain.

Je suis pour ma part un de ces nombreux fils d’Israël qui, dans les moments les plus pénibles des dix dernières années, ont vu dans cette tragédie un signe de Dieu, et qui n’ont cessé de prier et d’agir pour que la foi revienne nous inspirer et éclairer les Hommes.

Demain, les peuples seront appelés à s’entendre. J’ai la conviction que ce but ne sera atteint que si les responsables de toutes les collectivités humaines s’unissent pour préparer ensemble la Paix définitive fondée seulement sur les préceptes d’Amour contenus dans le Livre.

A cet effet, j’ai l’insigne honneur de prier Votre Sainteté d’agréer l’essai ci-joint et de bien vouloir me faire connaître son avis sur ce très humble hommage d’un serviteur de Dieu, au chef incontesté de l’Église.

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.