Entretien avec Pierre Jourde

Pierre Jourde est universitaire, critique, romancier et poète. Fatigué d’être conspué par les uns, censuré par les autres parce qu’il a le courage de s’attaquer aux vrais problèmes que pose la création artistique aujourd’hui : la prolifération de la littérature à l’estomac « à l’épate, au bluff, à l’esbroufe », telle que la critiquait déjà Julien Gracq il y a soixante ans, l’impossibilité de toute forme de critique et la fabrication ad nauseam d’artistes et d’œuvres d’art fatalement maudits, bien que subventionnés par les pouvoirs publics ou les entreprises du CAC 40, il semblait dans un récent texte renoncer à ce combat. Au Salon du Livre, à l’occasion d’une séance de dédicaces de ses derniers ouvrages, Paradis Noirs et La quadrature du sexe, nous lui avons posé quelques questions.

CultureMag : Avez-vous réellement renoncé à vos textes critiques pour vous consacrer uniquement à la littérature, comme la récente publication d’un texte semblait le faire comprendre ?

Pierre Jourde : Je continue la critique sous une forme plus traditionnelle mais en ce qui concerne la dimension satirique ou polémique, il est vrai que je n’ai pas très envie en ce moment d’y revenir car cela fait vraiment écran à ce qui importe le plus pour moi, c’est-à-dire l’écriture de romans ou de poésie – des livres comme celui-ci par exemple (il présente La quadrature du sexe, ndlr). C’est un peu fatigant de n’être vu que par le biais de l’auteur satirique et même si c’est une activité qui m’a donné de la notoriété, elle continue de me valoir des interdictions ici ou là.

Pour en revenir à votre travail de romancier, La cantatrice avariée (publié en 2008 chez Balland, ndlr.) avait reçu un accueil mitigé de la part de la critique…

C’est normal mais l’accueil n’a pas été mitigé, on n’en a pratiquement pas parlé.

Il y avait quand même quelques critiques sur ce roman, notamment une qui reprochait à l’intrigue de n’être pas suffisamment maîtrisée, fait assez inhabituel dans vos œuvres. Est-ce parce que le livre n’a pas été bien compris ? Est-ce la raison pour laquelle vous êtes revenu à une écriture plus accessible dans Paradis Noirs ?

Non, il y a deux tendances dans ce que j’écris : la première, ce sont des romans classiques et la seconde des romans beaucoup plus loufoques et incongrus. Je savais que La cantatrice avariée allait désarçonner et pas forcément plaire mais contrairement au reproche qu’on a pu faire l’intrigue y est maîtrisée même si il faut avouer que le livre est très étrange. En tout cas, je n’étais pas très surpris de l’accueil qui lui a été fait.

Changeons complètement de sujet. En tant qu’universitaire, que pensez-vous des réformes du gouvernement sur la recherche et l’université qui sont tant combattues en ce moment ?

J’estime que la réforme des universités et celle des concours d’enseignement sont très néfastes, aussi bien pour l’université que pour la formation des professeurs, amputée de l’année de stage. C’est une réforme qui n’est pas réfléchie, qui ne tient absolument pas compte des réalités universitaires. Au même titre que les réformes qui l’ont précédée, elle entasse les complications bureaucratiques, et va dans le sens de l’arbitraire local et d’une négation de la liberté d’esprit universitaire. Cette réforme ne fera qu’ajouter aux problèmes au lieu de les régler.

Pierre Jourde, Paradis Noirs, Gallimard, 266 pages, 18 euros – La quadrature du sexe, texte de Pierre Jourde, illustrations de Henri Maccheroni, Voix d’encre, 64 pages, 16 euros

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