Par Gonzague SAINT BRIS*
Sans le savoir, nous vivons une Nouvelle Renaissance. Ce que l’imprimerie a apporté au XVIe siècle, c’est ce que l’Internet apporte à notre XXIe siècle : la circulation de la connaissance, la diffusion pour tous de tous les savoirs.
La Renaissance est un moment exceptionnel de concordance des temps où, sous le prétexte de retour à l’antique, on crée le mouvement d’une ère nouvelle comme un futur chatoyant et multiple, déjà présent, irradiant l’Europe d’un sentiment de naissance et de flamboyante jeunesse. Ce que les étudiants du XVIe siècle étaient capables de faire : aller à pied de l’université de Paris à l’université de Padoue pour écouter un maître, c’est ce que font aujourd’hui, grâce au programme Erasmus, nos jeunes contemporains circulant dans toute l’Europe pour étudier à la lumière des autres nations.
C’est en 1456, que sort de l’atelier de Gutenberg une première bible imprimée et tirée à trente exemplaires. La marche triomphale de l’imprimerie vient de commencer. Elle envahit l’Europe. Vingt millions d’ouvrages seront imprimés entre 1456 et 1500. Avant l’imprimerie, un incunable coûte le prix d’une maison de trois étages ; après l’imprimerie, un livre coûte le prix d’un livre. La Nouvelle Renaissance est aussi issue de l’Europe des Cultures. Plus de cinq cents mille visiteurs se sont précipités dès la première année de sa création en 2005 sur le portail de la Bibliothèque Européenne, un site Internet qui offre un accès aux ressources documentaires (livres, affiches, enregistrements sonores, vidéo et bibliographies) des quarante-sept Bibliothèques Nationales de l’Europe. Depuis les dix Bibliothèques Nationales des nouveaux pays entrants de l’Union Européenne ont rejoint le même portail.
Aujourd’hui, on assiste à une Renaissance de la relation des français avec le livre. Jamais depuis la naissance de l’Internet nos compatriotes n’ont été autant portés sur l’écriture. La correspondance amoureuse, délaissée depuis Mademoiselle de Scudéry par le plus grand nombre, connaît sur la toile nouvel élan et constant regain. Jamais les français n’ont autant écrit. Nous redevenons, grâce à la modernité de l’instrument, un peuple littéraire. Il y a sept millions de français qui écrivent, il y a 10% de français qui écrivent leurs journaux intimes, il y a 15% de français qui griffonnent pendant leurs loisirs. On avance, on avance. Comme l’écrivait Giambattista Vico : « Les choses se sont succédées dans l’ordre suivant, d’abord les forêts, puis les cabanes, les villages, et enfin les académies savantes. » Beaucoup de sites aujourd’hui sur le Net, source d’érudition, fonctionnent tels de modernes académies savantes. Dans son Message aux Européens, prononcé à l’occasion du congrès de la Haye en mai 1948, Denis de Rougemont dessinait et définissait en visionnaire la vocation profonde de l’Europe d’unir ses peuples selon le vrai génie, qui est celui de la diversité et dans les conditions de notre siècle qui sont celles de la communauté, afin d’ouvrir au monde la voie qu’il cherche, la voie des libertés organisées.
À propos de l’Europe, non seulement les statistiques actuelles sont formelles, mais encore d’un pays à l’autre leurs résultats se ressemblent : cette fois-ci, ce sont les chiffres qui viennent au secours des Lettres. Nous sommes de plus en plus cultivés. En l’espace de dix ans, le nombre de personnes allant dans les musées ou les festivals, suivant des rendez-vous littéraires ou des conférences, a presque doublé. Cette année, quarante millions de personnes ont visité les musées de Grande Bretagne contre vingt-quatre millions en 2000. Le magazine Intelligent Life, supplément trimestriel de l’hebdomadaire britannique The Economist, est formel : la société des loisirs nous entraînerait irrémédiablement vers une société de l’intelligence. En France aussi, on assiste à ce « boum » de la culture. Les musées n’ont jamais connu une telle affluence, phénomène qui fut couronné de façon visible par la foule des visiteurs de nuit au Grand Palais lors de l’exposition Picasso et ses maîtres.
Certains vous diront : « Comment peut-on parler de Nouvelle Renaissance alors que nous sommes en pleine crise ? »
Je répondrai que la première Renaissance a commencé par la pire des crises : la famine partout présente, la peste qui éclatait de ville en ville et la taille – c’est-à-dire l’impôt – qui avait triplé. La Renaissance, justement, commence toujours par une remise à plat des codes. Maintenant que les effigies de la fausse richesse ont brûlé et que les héros en carton de Wall Street ont été carbonisés sous nos yeux en direct, nous pouvons nous dédier aux vraies valeurs. Il faut investir dans l’immatériel, il faut comprendre enfin que se cultiver c’est s’enrichir véritablement. Il faut dire à nos enfants de ne lire des romans que jusqu’à vingt ans, puis après vingt ans, de ne lire que des biographies. Pourquoi ? Parce que c’est en se comparant à plus grand que soi que l’on grandit. L’admiration est la meilleure et la plus libre des universités. Nous devons passer, grâce à la soif et à l’appétit de culture, d’une société de possession à une société de désirs. Nous n’avons pas besoin de tout avoir, il nous suffit de tout connaître. En lisant beaucoup, en contemplant longuement, en écoutant énormément, nous multiplions nos vies : au lieu de ne posséder qu’une pauvre existence, nous devenons milliardaires en vie. Cette vérité, nul mieux que Léonard de Vinci ne peut l’exprimer : « Ne me méprise pas tant ! Je ne suis pas pauvre. Pauvre est plutôt celui qui désire beaucoup de choses ».
Et si je ne vous ai pas convaincu, je vous offre au moins l’unique conseil qui vous permettra de vous enrichir en permanence au cœur de la crise. Il est de Saint Augustin : « Si tu veux être heureux, désire ce que tu possèdes déjà ! ».
* Gonzague SAINT BRIS vient de publier François Ier et la Renaissance aux Editions Télémaque. Président-fondateur de LA FORÊT DES LIVRES, il y a ouvert en 2008 le colloque « Renaissance et Nouvelle Renaissance.
Photo Armand Langlois.
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