Incroyable !
Imaginez : nous sommes au milieu du VIe siècle et allons pénétrer dans la cour de ces vieux souverains mérovingiens qui vivent encore dans le souvenir de l’Empire. Celui de Rome bien sûr. … En ce temps là, ces références ne sont pas si éloignées. Au cœur de l’antique Lutèce, le palais impérial élève toujours ses nobles façades malgré les assauts des Barbares.
Les Francs viennent de s’installer, mais ils ne rêvent que de ces temps glorieux qu’ils cherchent à ressusciter. On en conserve les usages, le mode de vie, les tenues vestimentaires, avec, cependant la présence de bijoux qui témoignent d’influences plus sauvages.
Les récits ne manquent pas non plus. Ceux de Grégoire de Tours, dans L’Histoire des Francs, par exemple.
Mais, jusqu’aujourd’hui, de cette société qui cherche tellement à se policer, aucun visage, aucun portrait peint ou sculpté.
Ou plus exactement jusqu’à hier.
Car Patrick Perrin, l’un des meilleurs archéologues spécialistes de la période mérovingienne et accessoirement directeur du Musée des Antiquités nationales, vient de contribuer à faire sortir d’une nuit de plus de quinze siècles, avec les équipes de cette auguste institution, la figures de l’une des épouses du roi Clotaire Ier (511-561), la reine Arégonde, mère du Chilpéric Ier qui naît vers 534 et qui, ainsi, peut aujourd’hui être considérée comme la « matriarche » de toutes les têtes couronnées d’Europe.
Inhumée à Saint-Denis vers 580, dans la nécropole aménagée autour de la sépulture du premier évêque de Lutèce, martyrisé vers 250, sa tombe a été découverte voici juste cinquante ans par Michel Fleury, l’archéologue qui devait par la suite fouiller la Cour Carrée du Louvre pour y retrouver le fameux casque du roi Charles V ou encore, près de Bercy, un espace en bordure de Seine pour mettre à jour les célèbres pirogues conservées à présent au musée Carnavalet.
Assurément, il s’agit bien de la reine Arégonde découverte au milieu d’environ 80 autres sépultures puisque le sarcophage de pierre contenait, en autre mobilier, son anneau sigillaire en or autour duquel son nom était gravé.
Il a fallu un demi-siècle et surtout, l’avancée de la science avec une pointe d’obstination de nos chercheurs, pour reconstituer toute la parure de la souveraine. Ses ossements furent étudiés, analysés scientifiquement. On connaît désormais les pathologies de la défunte. Sa jambe droite et surtout son pied témoignent des séquelles d’une poliomyélite contractée dans sa petite enfance. Elle était de taille petite (1,50 – 1,60 m) et gracile. Elle souffrait encore d’arthrose cervicale et lombaire tout en étant sujette au diabète. Son ADN permet d’établir certains liens avec d’autres femmes inhumées dans son voisinage. Ses bijoux témoignent d’échanges commerciaux lointains et de sa conscience d’appartenir à l’élite d’une société qui se réfère à l’univers impérial.
Superbement présentée, l’exposition est accessible aux non initiés et même aux enfants. Une présentation simple mettant en lumière les objets conduit progressivement le visiteur jusqu’à la souveraine qui apparaît dans une proximité impensable.
Quant à ses restes mortels, que vont-ils devenir ?
Le Mémorial de France à Saint-Denys (http://www.memorialdefrance.org/) propose de les remettre à ses frais, au cours d’une cérémonie civile et religieuse, dans la crypte de la basilique, au creux de son sarcophage pour y attendre paisiblement le jour de la résurrection dont elle escomptait la venue.
De nombreux soutiens, venus de toute part, ont été apportés à cette initiative dont celui de Jean-Jacques Aillagon ; le Musée des Antiquités est loin d’être hostile. L’année 2009, l’année du cinquantenaire de cette découverte, serait idéale.
Depuis près d’un an, l’administration et le Ministère de la Culture sont saisis…. La réponse se fait attendre…
Alors qu’un récent colloque réunissait, au Musée des Arts Premiers, archéologues, anthropologues, sociologues pour débattre du devenir des restes humains conservés dans nos musées ; alors que les restes de la Vénus hottentote ont légitimement été restitués comme nombre de souvenirs ou de restes mortels aux anciennes tribus indiennes en Amérique du Nord, la France se désintéressera-t-elle de ce cas unique en Europe que représentent ces vénérables ossements ? Restera-t-elle sourde, non pas à ce que réclament les membres du Mémorial de France, mais bien plus légitimement encore au vœu de la souveraine elle-même qui avait souhaité être enterrée ad Sanctos, c’est à dire à deux pas de l’évêque missionnaire et martyr ?
Pratique :
Musée d’Archéologie nationale à Saint-Germain en Laye
Exposition ouverte du 8 avril au 4 octobre 2009.
Heures d’ouverture du musée :
Tous les jours, sauf le mardi, de 10h à 17h15.
Les groupes accompagnés par une conférencière du musée peuvent être accueillis dès 9h.
Musée d’archéologie nationale
Château – Place Charles de Gaulle
78105 Saint-Germain-en-Laye cedex
Tél : 01 39 10 13 00
Accès
RER ligne A – Station Saint-Germain-en-Laye située
devant le château (20mn de Charles de Gaulle/Étoile)
Autobus RATP 258
Autoroute de l’ouest A 13, RN 190, RN 13, N186
Attention !
Il est préférable de téléphoner au 01.39.10.13.00 pour avoir confirmation de l’ouverture du musée les jours fériés.
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