Il faut aller à Dunkerque !

Dunkerque ! D’emblée, ce n’est pas le lieu où l’on rêve de partir en week-end.

Ce n’est ni la destination romantique pour une escapade amoureuse, ni une belle cité balnéaire. Coincée entre Lille, désormais à une heure de train de Paris dont le dynamisme culturel a explosé ces dernières années et la Belgique à l’architecture douce et envoûtante, la ville du bout de la France n’est pas pratique d’accès et n’a gardé qu’une poignée de monuments historiques dans son centre-ville. Son côté spectaculaire, ce serait plutôt les gigantesques usines d’aciérie et de sidérurgie qui, dit-on, la nuit illuminent le quartier industriel de Dunkerque de feux électriques d’une poésie urbaine surprenante.

Malgré cela, ou plutôt en raison de son aspect de ville nouvelle et industrielle, Dunkerque est une ville d’art moderne.
Aude Cordonnier qui dirige le LAAC (lieu d’art et action contemporaine) et le musée des Beaux-Arts de Dunkerque a voulu organiser autour de Personnage brun-rouge, une toile d’Olivier Debré qui appartient au musée, une exposition qui présente les premiers signes-personnages de l’artiste. Autour de ses premières toiles très sombres, peintes dès la fin de la seconde guerre mondiale, dans lesquelles on perçoit à la fois l’influence de Picasso et l’impossibilité de figurer l’horreur des camps, laquelle fera écrire quelques années plus tard à Adorno qu’après une telle négation de l’homme toute poésie devient impossible, sont disposées les premières œuvres de signes-musiciens de Debré dans lesquelles le brun et le vert s’imposent comme les premières couleurs, jusqu’à un magnifique Bleu pâle à Royan, qui se libère définitivement de toute figuration. Dans les toiles de signes-personnages, la figuration est encore présente, même sous-jacente et presque effacée ; les lignes verticales et horizontales font penser à des personnages fondus dans la matière, que l’on cherche à identifier sans y parvenir vraiment, créant une sensation d’étrangeté, de malaise et d’incompréhension. Mais lorsqu’il se met à peindre des paysages, Olivier Debré embrasse l’abstraction pure pour plaquer des couleurs d’une pureté éblouissante sur ses toiles, ainsi ce Bleu pâle à Royan qui apparaît comme le plan fixe d’un ciel dans certains films de Godard et illustre le propos de Baudelaire lorsqu’il écrivait que l’on se rend mieux compte de la profondeur d’un ciel vu par une fenêtre qu’en extérieur ; un bleu presque immaculé que dérangent à peine quelques tâches de matière colorée aux angles.

La politique du LAAC est d’accrocher systématiquement les toiles d’autres artistes de son fonds propre pour répondre et donner tout leur sens à celles de l’artiste mis en avant, ce qui permet à la fois d’explorer une partie des richesses de son patrimoine et de faire rêver le visiteur à d’autres possibilités, d’autres horizons.

Par-delà la matière au musée des Beaux-Arts
Le musée des Beaux-Arts, quant à lui, propose une exposition qui unit autour du thème complexe du sacré, des œuvres hétérogènes donnant une vision assez globale, bien que superficielle, des interrogations et des croyances de l’homme en matière de religions et de rites, ouvrant sur divers objets quotidiens « primitifs » pour mêler ensuite peinture classique et sculptures modernes, notamment la Tempérance de Niki de Saint-Phalle, Jésus Honni, une eau-forte magnifique de Georges Rouault et finir sur une installation lumineuse de Turrell au fond d’une pièce noire : un rectangle rouge percé dans le mur qui absorbe le regard et plonge la salle dans un silence religieux, si bien qu’on se prend à s’imaginer devant le saint des saints ou en présence d’un tabernacle.
Deux belles expositions qui sont autant de raisons désormais de se rendre à Dunkerque.

 Pratique :

Olivier Debré Signes-personnages au LAAC du 14 mars au 20 septembre 2009
Jardin de sculptures, 59 140 Dunkerque
Tél. 03 28 29 56 00 – art.contemporain@ville-dunkerque.fr
Ouvert tous les jours sauf le lundi de 10h à 12h15 et de 14h à 18h30 ; nocturne le 3e jeudi du mois jusqu’à 20h30.Par-delà la matière au Musée des Beaux-Arts du 15 novembre 2008 au 18 janvier 2010
Place du Général De Gaulle, 59 140 Dunkerque
Tél. 03 28 59 21 65 – musee@ville-dunkerque.fr
Ouvert tous les jours sauf le mardi de 10h à 12h15 et de 14h à 18h
Billet commun pour le LAAC et le musée des Beaux-Arts, valable 2 jours : 4,5€ ; TR : 3€
Plus d’informations sur :  www.ville-dunkerque.fr

 

 

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