Nous ne sommes pas allés voir leur T.A.G au Grand Palais

C’est l’histoire finalement pathétique et banale d’une pratique « subversive » récupérée par l’Etat qui, en faisant croire au public que le tag et le graffiti sont désormais des pratiques artistiques officielles, parvient à enfermer dans des normes ce qui était censé être un geste de défi et de protestation lancé à la gueule des bourgeois.

Car, comme s’interroge à très juste titre Charlotte Pons dans lepoint.fr « quid de la fulgurance ? De l’éphémère ? De la transgression ? Autant de choses qui dans l’imaginaire collectif sont intrinsèques au tag. Quid « des bombes avec lesquelles [exercer] dans l’ombre, stimulé par la pénombre » comme le chantaient Kool Shen et Joey Starr dans Paris sous les bombes ? »

Jacques Ellul nous avait pourtant prévenu et Orwell avant lui et Philippe Murray après lui : tout mouvement protestataire et subversif est voué à être absorbé par l’Etat, institutionnalisé, à devenir partie prenante de la grande fête organisée en sous-main par l’Etat tentaculaire qui ne supporte rien tant que le désordre et ce qu’il ne subventionne pas. Vous voulez donc des tags ? Venez au Grand Palais. Et l’on s’étonne que les tageurs officiels décorent aussi la maison de Madonna ou les boutiques Nike, qu’ils vendent leurs « œuvres » à des prix exorbitants et acceptent bien docilement de se laisser enfermer dans un musée où ils respectent comme de braves moutons le format et le support imposés !
Non, nous n’irons pas voir leur exposition.

Mais il ne faudrait pas que cette récupération finalement assez prévisible d’une pratique qui demeure par ailleurs hors-la-loi (mais l’Etat tentaculaire n’est pas une absurdité près, au contraire, il noie le poisson) ne cache l’autre enjeu de cette exposition : le graffiti et le tag sont donc officiellement de l’art. Soit, qu’ils demeurent un art officiel, aurions-nous envie de dire ! Au moins, nous savons à quoi nous en tenir. Car, franchement, que certains tageurs ne soient pas dénués de talent, cela va de soi ; qu’ils fassent même parfois preuve d’humour et d’originalité, c’est évident. Mais qu’ils suivent Picasso et Emil Nolde dans les galeries du Grand Palais, et qu’on prétende nous faire considérer sur un pied d’égalité leurs grafs et une œuvre de Manet, de Goya ou de Vélasquez lesquels ont voué leur existence et leur travail à l’art, cela sent un peu l’entourloupe. Et malgré ceux qui nous traiterons de vilains réactionnaires, malgré le relativisme absolu qui voudrait nous faire croire que tout se vaut, nous persistons à penser que le tag est une pratique de rue, ce qu’il aurait dû rester, et qu’en entrant au musée, il a bâti lui-même son mausolée.

Et c’est pourquoi, décidément, nous n’irons pas voir leur exposition.

Pratique :

 Le T.A.G au Grand Palais, du 27 mars au 26 avril. Prolongations jusqu’au 3 mai.
Plein tarif : 5 euros. Tarif réduit : 3 euros
http://http://www.tagaugrandpalais.com/
 

 

 

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.