Rentrée littéraire: Marie NDiaye, la déception

La rentrée littéraire est l’occasion de bien des surprises ; il y a les auteurs que l’on connaît déjà, dont on attend beaucoup et qui parfois déçoivent; et il y a les parfaits inconnus dont le premier roman peut être une découverte jubilatoire. Culturemag a sélectionné quelques romans remarquables pour diverses raisons.À suivre donc, nos chroniques de rentrée.

/><b><span/Depuis l’été, le nouveau roman de Marie NDiaye est annoncé comme l’événement majeur de la rentrée littéraire qu’il est censé survoler. Il faut dire qu’elle connaît chaque année un succès grandissant et qu’on est toujours heureux de découvrir une écrivaine talentueuse.

Effectivement, le début du roman est très bon et entraîne immédiatement dans son rythme. Cela dure une dizaine de pages et puis petit à petit on sent que quelque chose cloche, qu’un grain de sable est venu insidieusement s’insérer dans la mécanique bien huilée et va finir par gripper tous les rouages. L’écriture se fait plus stéréotypée et l’histoire aussi, comme si elles ne pouvaient s’empêcher (l’écriture et la narration) de sombrer dans le travers trop récurrent des romans féminins, c’est-à-dire souvent écrits par des femmes pour un public majoritairement féminin. Ce travers, c’est une histoire dans laquelle le pathos supplante tout le reste, devenant lourd et trop insistant sans qu’aucun second degré ne vienne jamais faire respirer le texte. L’écriture féminine est celle du premier degré, une écriture qui peine à prendre du recul, où tout est drame et sérieux. On n’est pas dans le tragique, seulement dans le pathos.

Et comme l’écriture ne peut manquer d’imiter la narration, elle se fait plus appliquée, plus conformiste. Passé un début prometteur, on retombe malheureusement dans une écriture assez plate, bien que maîtrisée, peut-être trop maîtrisée, celle d’une élève studieuse, appliquée qui sait sans aucun doute manier la phrase, la construction syntaxique, la grammaire mais sans être capable de les dépasser (à l’inverse de Marie-Hélène Lafon par exemple), de les surpasser, de même qu’elle est incapable de dépasser ses personnages. Le problème de l’écriture féminine est qu’elle émane d’une femme qui ne semble s’adresser qu’à des femmes. Les personnages masculins y sont soit parfaitement mauvais, soit parfaitement parfaits et beaux. C’est comme un conte de fées mal digéré dans lequel le prince charmant s’oppose à un méchant homme aussi cruel qu’affreux.

Ainsi p. 82 « Elle reconnaissait bien maintenant, malgré la maigreur, les croûtes de sang séché, la barbe folle, le visage de son frère, elle tâchait de lire sur ce visage qui était la bonté même, qui était un visage de saint, les signes du bouleversement, du remords, de la souffrance. »
Pourquoi lorsqu’une femme écrit (bien sûr il est idiot de généraliser) les hommes sont toujours des anges ou des bêtes ? Jamais des humains complexes, avec leurs qualités, leurs faiblesses, leurs grandeurs et leurs défauts ?
Bizarrement, les auteurs de sexe masculin sont rarement aussi tranchants dans leurs portraits, aussi manichéens dans les caractères qu’ils façonnent. L’écriture féminine est hélas trop souvent une écriture sans nuance.

Le roman de Marie NDiaye commence bien mais rapidement il peine à se hisser à la hauteur qu’il faudrait et à certains moments il arrive même – dans la construction, la narration et les dialogues – qu’on éprouve la douloureuse sensation de lire un Harlequin.
Ainsi ce passage qui brisera peut-être le cœur de la ménagère de plus de cinquante ans nourrie aux séries télés et téléfilms français au cours duquel Norah vient rendre visite à son frère Sony emprisonné pour le meurtre de sa belle-mère dont il était amoureux :
« Puis, sachant que les minutes de parloir touchaient à leur fin, il se mit à parler très vite :
– Tu te rappelles, Norah, quand j’étais petit et qu’on habitait encore ensemble, il y a ce jeu qu’on avait tous les deux, tu me soulevais dans tes bras, tu me balançais en disant à la une, à la deux et à la trois tu me précipitais sur le lit en disant que c’était l’océan, et je devais nager pour rejoindre la rive, tu te rappelles ?
Il gloussa de bonheur, la tête rejetée en arrière, et Norah reconnut immédiatement, violemment, le petit garçon à la bouche grande ouverte qu’elle lançait sur son lit couvert d’une chenille bleue. » (p.83)

Marie NDiaye, Trois femmes puissantes, Gallimard, 317 pages.

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