Par Nicole Lambert*
Maintenant c’est ma fille qui décore le sapin.
Je suis les opérations depuis le canapé avec une tasse de chocolat – Pas mal non plus. Elle ouvre les grosses boîtes de décorations tout juste remontées de la cave. Je la regarde et je me revois. Elle démaillote boules ou petits sujets, toute aux délices de retrouvailles minuscules.
« Ah! Regarde, le petit Jésus couché dans une coquille de noix, je l’avais oublié celui-là! »
« Et l’ange doré avec sa trompette, c’était mon préféré quand j’étais petite! »
« Oh! La belle boule en forme de père Noël est cassée! »
Nous avons encore quelques boules en verre, rescapées de moins en moins nombreuses, car, chaque année , inéluctablement, nous en cassons une ou deux.
Mais les décorations de mon enfance à moi, où sont-elles? En poussière, disparues depuis si longtemps… Pourtant, je les revois dans les moindres détails. Il y avait des petits conifères pour la crèche, sortes de rince-bouteille vert foncé, coniques, dont l’extrémité des poils, pour figurer la neige, avait du être trempée dans une peinture blanche solidifiée. Il y avait le papier ocre, moucheté de petites taches, que l’on froissait pour simuler la grotte. Il y avait les trois chameaux, dont l’un avec une patte en moins. Ils n’étaient pas vraiment à la même échelle que le reste des personnages, mais ce n’était pas grave car on les faisait avancer jour après jour, du fond de la salle à manger, afin qu’ils n’arrivent que le 6 janvier.
L’Enfant Jésus, lui n’était déposé dans son lit de paille que le 24 au soir.
Je l’aimais passionnément. Je l’embrassais et résistais à une folle envie de le voler. Que ne donnerais-je pas pour tenir au creux de ma main le petit traîneau de bois doré que mon grand-père avait raccommodé si soigneusement ?
Fantômes minuscules, aimés, qui ressuscitent si facilement dans ma mémoire, bientôt suivis par de plus grands, ceux avec qui l’enfant que j’étais fêtait Noël dans les années 60…
Maman, toute blonde , Papa portant cérémonieusement la dinde, monstre emballé de papier du boucher, Grand-Mère qui se précipitait pour nous ouvrir, et Grand-Père qui parvenait difficilement à garder son air bourru… 2009, de toute cette chère assistance, il ne reste que moi. Un ange passe, très mélancolique. « Maman? Ça va maman? » Ma fille chasse l’ange et me rappelle au temps présent.
Tout va bien, la vie continue, il y aura d’autres Noëls… Il y aura toujours Noël. Depuis le début de notre vie, nous y avons tenu, tenons et tiendrons des rôles différents.
S’il est vrai que nous avons commencé par le meilleur, son souvenir nous ouvre, à jamais, une fois l’an, la petite porte qui mène à notre enfance.
* En 1983, Nicole Lambert publie sa première bande dessinée « Les Triplés » dans le magazine Madame Figaro. Le succès est tel qu’elle s’y consacre bientôt entièrement.
Elle devient une humoriste des enfants qu’elle observe inlassablement.
En 1992, parallèlement aux Triplés, elle entame une série de voyages pour élaborer l’album « Petits Européens », une recherche sur les coutumes des enfants dans les pays de l’ Union. Cet ouvrage, sans cesse réédité, est devenu un livre-culte, bientôt suivi par « Petits Français » puis, par « Petits Asiatiques » et « Petits Africains », actuellement en chantier.
Ses albums sont édités aux éditions Nicole Lambert.
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