* Par Jean Vitaux
La dinde est devenue un plat de Noël incontournable. Et pourtant la dinde n’est arrivée sur nos tables qu’au XVI° siècle.
En effet, si le nouveau monde nous a gratifié de très nombreux légumes (tomates, courges, poivrons et piments, haricots et maïs), le seul animal qui ait traversé l’Atlantique est le dindon. La dinde qui orne désormais nos tables de fêtes est le dindon du Yucatan, et non le dindon des grandes plaines d’Amérique du Nord. Il a d’abord porté le nom de Coq d’Inde, et a été introduit par les Vénitiens en Turquie, d’où il a conquis les tables anglaises, qui lui a valu son nom de « Turkey » en Angleterre. Il a été introduit en France lors du mariage de Charles IX avec Elisabeth d’Autriche.
La dinde a remplacé sur nos tables de fête l’oie, qui reste toujours le plat de fête traditionnel en Alsace et en Allemagne. L’oie est toujours le plat de la Saint-Michel en Angleterre, pour fêter la victoire de Sir Francis Drake sur l’Invincible Armada de Philippe II d’Espagne. Plus amusant, les oies étaient les animaux qui tiraient le traîneau de Saint-Nicolas, avant d’être remplacées au XX° siècle par les rennes qui tireront le véhicule du Père Noël. D’ailleurs la couleur rouge du Père Noël est liée dans les années 1930 à une publicité de la marque Coca Cola.
Brillat-Savarin, le célèbre auteur de la physiologie du goût en 1826, était un dindinophile passionné : il trouvait que c’était un des plus beaux cadeaux que le nouveau monde avait fait à l’ancien. Il l’avait connu lors de son émigration aux Etats-Unis pendant la terreur. La dinde est en effet le plat emblématique du « Thanks giving day » aux Etats-Unis, avec la tourte de potiron, qui commémore les repas qui ont sauvé les Pilgrim’s fathers sur les côtes du Massasuchets au XVII° siècle. Par contre, Alexandre Balthazar Grimod de la Reynière l’appréciait moins : surpris un jour par son père dans une auberge, où rôtissaient sept belles dindes, celui-ci s’étonne : son fils lui déclare : « vous m’avez toujours dit, Monsieur, que dans ce volatile, seul le sot-l’y-laisse méritait quelque attention ». Son père lui répondit : « Votre pratique est un peu dispendieuse pour un jeune homme, mais on ne peut pas dire qu’elle soit déraisonnable ».
La dinde reste le grand vaisseau qui orne nos tables de fêtes. Sa bonne taille lui permet de nourrir une grande tablée.Sa viande est moins grasse que celle de l’oie, ce qui lui vaut le reproche d’être souvent un peu sèche. A vrai dire, la qualité de la dinde dépend surtout de la qualité de l’élevage : en effet, beaucoup de dindes, vendues dans la grande distribution, proviennent d’élevages industriels. La dinde se sert rôtie ou braisée au four, et elle gagne beaucoup à être farcie avec ses abats, du fromage blanc et des marrons. Elle est aussi souvent truffée. Le marron est l’accompagnement traditionnel de la dinde, sans doute car autrefois, c’était un des seuls légumes disponibles l’hiver.
*Jean Vitaux est docteur en médecine et gastro-entérologue mais aussi fin gastronome.
Membre de plusieurs clubs renommés dont le fameux « Club de 100 », c’est un grand connaisseur de l’histoire de la gastronomie. Il est notamment, avec Benoît France, l’auteur du célèbre Dictionnaire du gastronome (éditions PUF), mais aussi du Que-sais-je sur la Gastronomie et de La Mondialisation à table (PUF).
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