En temps de crise, pas besoin de sorties au théâtre qui viennent plomber encore plus un moral défaillant. Andromaque et autres, passez votre chemin ! L’heure n’est pas à la gravité, mais à la légèreté et à l’humour.
C’est le pari (gagnant) que Marie Lafragette a tenu avec « Pourquoi j’ai agrafé mon patron ».
Aux Blancs Manteaux, le talent indéniable de l’actrice Emmanuelle Bonnet est un vrai bol d’air frais et pimenté dans nos existences parfois si nerveuses! Car elle est nerveuse cette employée de bureau accro à son magazine féminin dont elle subit le diktat. Horoscope, sondages du mois, recettes loufoques, la recette miracle, en somme, pour transformer son interlocuteur en victime risible et…séquestrée! En véritable Castafiore, Emmanuelle Bonnet transporte son public dans un cabinet d’avocat qui ressemble plus à un entretien burlesque qu’à un oral d’agrégation.
En une heure de pur délire féministe poussé au bord du ridicule, le spectateur a l’occasion de lire dans le jeu de scène et les dialogues, le reflet d’une époque où le « nervous breakdown » semble à la portée du premier venu. Comme quoi, on peut rire de tout, surtout quand au théâtre nos envies les plus secrètes sont exorcisées… avec talent !
Rencontre avec une passionnée :
Quels ont été vos premiers pas dans le théâtre ?
La première pièce que j’ai jouée c’était à la salle Gaveau, Les Lettres de Mon Moulin, un petit rôle où pour la première fois j’ai été engagée et payée, je devais avoir 20 ans.
Et donc, Marie Lafragette, votre nièce a en 2010, écrit cette pièce pour vous?
Voilà, ce qui s’est passé c’est que j’ai appris que Marie avait écrit un roman (Chasse de têtes, Nouveaux Auteurs, Prix Femme Actuelle 2010), et puis chez un de mes frères je l’ai revue, on a discuté et puis je l’ai regardée et je lui ai dit : « Pourquoi tu m’écrirais pas un truc? ». Elle a réfléchi et m’a dit « Top la! ». Alors je lui ai dit que je voulais un texte seul, facile à transporter, l’histoire d’une femme un peu décalée…
Quelque chose d’un peu autobiographique ?
Non pas forcément, mais l’histoire d’une femme à laquelle je puisse m’identifier en
fait. Alors très vite j’ai reçu son texte, et j’ai tout de suite vu que c’était possible.
Marie a bien ciblé quel genre de femme je pourrais faire vivre sur scène, et la preuve c’est que ça marche !
Comment qualifie-t-on une pièce comme ça ? C’est du boulevard ?
C’est pas du boulevard, ni du café-théâtre, mais plutôt entre le café-théâtre et le théâtre. C’est pas simple, je dirais petite comédie, comédie « dans l’air du temps »…
La salle est pleine à chaque fois?
Oui. Toujours.
Donc ça commence bien ?
Oui, c’est génial !
Et pour la suite ?
Il y a des pourparlers avec plusieurs théâtres. Mais j’attends encore d’autres offres, d’autres possibilités. Le problème c’est de pouvoir louer les salles à Paris.
Et donc cette pièce, c’est pour vous une transition vers quelque chose de plus conventionnel, d’autres horizons, ou bien vous allez rester dans ce registre?
D’abord mon but est de faire connaître le texte de Marie, l’auteur, et, je l’espère, donner envie à d’autres de collaborer avec moi. Oui je suis tout à fait intéressée pour
rebondir sur d’autres productions, convaincre des gens qui auraient envie de m’engager.
Vous rêvez de jouer quoi par exemple ?
(sans hésiter) Racine! Mithridate mais je suis trop vieille (rires), ou sinon du Molière. J’aime beaucoup le théâtre classique quand même.
Et l’écriture ?
Non ça ne m’intéresse pas vraiment, je n’arrive pas à décoller de mon petit moi perso alors que le théâtre ouvre sur les autres. Alors je préfère jouer les pièces des autres, je
trouve cela plus drôle et plus intéressant.
Revenons à la pièce. Vous avez pensé donner le rôle du patron à quelqu’un ?
Oui ! (rires). J’ai pensé à un copain pour faire l’avocat, puis en fait, c’est quand même difficile de trouver quelqu’un qui accepte de jouer pour rien, puisque je ne peux pas
le payer. Le plus simple est de faire croire qu’il est là!, Mais on y a pensé oui.
Et pour terminer, une réplique théâtrale qui vous tient à coeur ?
« Est-il rien de plus bizarre que ma destinée? Fils de je ne sais pas qui, volé par des bandits, élevé dans leurs moeurs, je m’en dégoûte et veux courir une carrière honnête; et partout je suis repoussé ! » (Le mariage de Figaro).
Prochaine étape donc, faire mentir le destin.
Propos recueillis par B. Bonnet.
Le Théâtre des Blancs Manteaux, 75004 Paris
Reprise de janvier à mars 2011, le vendredi à 21h.
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