Avant-gardes du XXe siècle

/Réunir toutes les avant-gardes littéraires et artistiques du début du XXe siècle dans un livre encyclopédie, telle est l’ambition remarquable de Serge Fauchereau.

Après avoir travaillé comme professeur de littérature américaine aux Etats-Unis puis au centre Pompidou et en tant que commissaire d’expositions internationales, ce spécialiste des mouvements d’avant-garde a décidé de publier une somme sur les grands mouvements qui ont bouleversé l’art et la littérature entre 1905 et 1930 et radicalement modifié notre appréhension du réel. Passant en revue les mouvements les plus connus comme l’Expressionnisme, le Cubisme, le Futurisme, Dada ou le Constructivisme, il aborde également des mouvements beaucoup plus souterrains tels que le Vorticisme, l’Acméisme, l’Anthropophagisme avec une science immense et en s’appuyant sur un foisonnement d’œuvres et d’auteurs, au risque de perdre parfois le lecteur non averti.

La période étudiée dans cet ouvrage est passionnante parce qu’on trouve dans chacun de ces mouvements avant-gardistes aux noms en -isme non seulement toute la création artistique du XXe siècle déjà en puissance mais également toutes les erreurs totalitaires auxquelles mèneront ces dogmatismes artistiques et les tentations avec lesquelles chaque mouvement a frayé tôt ou tard.

Critique de la société, de la ville, des mœurs, de la morale, de la religion, désespérance, foi éperdue en la technique, en la supériorité de certains hommes, en la suprématie de l’art : autant d’utopies et d’erreurs dans lesquelles le XXe siècle a plongé avec appétit pour le pire et le meilleur, le pire ayant souvent été joué en politique, le meilleur en art jusqu’à ce que art et politique s’annihilent tous deux, essoufflés ou horrifiés par ce qu’ils avaient commis pour déboucher sur l’aporie politique et créative que nous vivons depuis quelques décennies. L’art du XXe siècle et de ce début de XXIe siècle ne fait-il que rejouer les idées géniales nées au cours des trente premières années du XXe siècle jusqu’à les vider complètement de leur substance comme l’écrit Nabe ?

Ce qui est certain, c’est que la fièvre artistique et intellectuelle de cette époque, aidée par la mixité des populations, la révolution bolchevique et la montée du nazisme ayant notamment poussé beaucoup de russes et de juifs à l’exil, a contribué à l’évènement d’un âge d’or artistique et littéraire d’une telle puissance, qu’un siècle plus tard nous en sommes encore tributaires.

Dans une certaine mesure, il semble que l’art et la littérature contemporains soient restés prisonniers de ces avant-gardes parce qu’ils réfléchissent et créent toujours avec les codes qu’elles ont inventés, tout en se mouvant dans l’impossibilité de recopier ou de continuer des systèmes qui ont été parachevés. Le cycle artistique des avant-gardes de 1905 à 1930 a été si faste et prodigieux qu’il effacerait de son ombre toutes les tentatives ultérieures, les remisant au rang de pâles copies ou d’inventions de second ordre.

Serge Fauchereau, Avant-gardes du XXe siècle, arts et littérature 1905-1930, Flammarion, 587 pages, 49€.

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