Chansons de la Renaissance à boire et à manger

/Dans le cadre du festival d’Ile-de-France, l’ensemble Clément Janequin propose un copieux repas composé d’une vingtaine de chansons de la Renaissance sur le thème « du boire et du manger ».

À l’époque, les chanteurs s’installaient autour d’une table et y interprétaient leurs chansons, rompant ainsi la notion de concert. La musique s’intégrait complètement à la salle et ne devait pas être considérée comme un divertissement à écouter religieusement. Les membres de l’Ensemble tentent de recréer cette tradition en se disposant autour d’une table, tandis que le claveciniste-organiste se tient un peu à l’écart.

Le programme est parfaitement construit : après s’être présentés avec Loiset Compète et son Nous sommes de l’ordre de Saint Babouyn particulièrement percutant avec les “don, don” sonores de Dominique Visse, les chanteurs entonnent la prière avant le repas O souverain pasteur de Clemens non Papa. Une fois l’entrée passée, les plats peuvent défiler et ils seront nombreux: de Rocourt à Josquin Desprez en passant par Clément Janequin et Ninon le Petit. Ils achèvent le concert avec, du même Susato, la prière après le repas.

Les chanteurs de l’ensemble Clément Janequin ont beaucoup d’humour, c’est indéniable ! Ils récoltent toujours un immense succès avec La chasse au lièvre de Nicolas Gombert et La chasse au cerf de Clément Janequin. Dans ces chansons ils peuvent s’en donner à gorge joie et aboyer tout leur saoul : chaque chien est bien différencié, du roquet de Dominique Visse au bouledogue bien pataud de Renaud Delaigue, en passant par le chien vif et agressif de Vincent Bouchot. Dominique Visse joue parfaitement le chef de meute en rappelant ses chiens-chanteurs par de vigoureux “Arrière chiens” à l’aide du suraigu de sa voix.
Ils alternent avec des chansons bien plus sérieuses, voire solennelles : ils parviennent à un son très pur dans certaines chansons mélancoliques comme Maulgré moy de Tylman Susato.
La déploration sur la mort
de Jean Ockeghem est magnifique car ils adoptent un tempo lent, digne d’une esthétique de messe pour terminer sur un “amen” très prenant et doux.

On a toujours loué l’extraordinaire homogénéité de l’Ensemble et en même temps la particularité et l’originalité propres de leurs cinq voix. Chacun essaie, avant tout, d’harmoniser sa voix, ou du moins la pose de la voix, et il est presque impossible de les différencier quand ils se rejoignent tous à la fin d’une chanson. Dans Plaindre ny vault de Rocourt, les voix se confondent avec l’orgue et rentrent une par une. Mais cela ne les empêche pas d’utiliser leurs propres timbres pour telle ou telle inflexion dans un passage.
L’impressionnant Renaud Delaigue sert de basse continue tandis que les barytons Vincent Bouchot et François Fauché, à tour de rôle, apportent une nuance plus lumineuse. Hugues Primard, arrivé récemment dans le groupe, prend de plus en plus ses marques et consolide l’ensemble avec sa voix intermédiaire de ténor. Dominique Visse, en tant que chef de l’Ensemble, emmène tous ses chanteurs mais se sert également de son matériau vocal, si extraordinaire et presque irréel, pour apporter une touche d’ironie et d’expressivité au groupe.

En bis, l’Ensemble chante Le cri du poilu de Vincent Scotto une des pièces de leur programme L’écrit du cri. Avec ce cri de désespoir du poilu qui ne veut qu’une femme comme distraction, les musiciens achèvent de mettre le public dans leur poche tellement ils chantent cette complainte avec humour !
Ce banquet musical met en appétit pour savourer de prochains concerts de l’Ensemble !

Manon Ardouin

Pratique :

Les Plaisirs du palais

www.dominique-visse.com
www.festival-idf.fr


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