La photo d’un homme plutôt jovial en couverture et un titre alléchant, Mémoires de l’exorciste officiel du Vatican : nous n’en attendions pas davantage pour fondre sur ce livre ‘religieux’.
En réalité, une interview sans appareil technique, publié chez un spécialiste de la jet-set.
Un ouvrage sur l’exorcisme, pourquoi pas ? Le diable fait recette ! C’est l’auteur qui l’affirme, Don Gabriele Amorth, prêtre italien, démonologue averti, docteur ès pompes sataniques, exorciste médiatique du gotha et du ‘gothique’, à l’agenda rempli et aux semaines ‘surbookées’, déjà auteur d’ouvrages sur les diableries en tous genres.
À l’instar de ses précédents ouvrages, ce présent titre confirme la connaissance du terrain humain de Don Amorth tout en redisant son bas niveau scientifique.
La bataille du diable fait rage dans l’Eglise. Depuis les années 60, prêtres, évêques et cardinaux échangent, non sans rudesse, sur les capacités des ‘puissances du mal’, et le mode opératoire de Lucifer.
Deux camps rivalisent : les partisans de l’authenticité du démon, et leurs adversaires. D’un côté, les ‘psychologisants’ rangent ‘possessions’ et ‘infestations’ au rayon des déséquilibres mentaux. Leurs opposants, quant à eux, tirent argument des exorcismes de Jésus dans les Evangiles pour montrer le sérieux de la présence démoniaque dans l’histoire.
Don Amorth est chef de file de cette dernière catégorie. Selon lui, il ne sert de rien de se cacher derrière son petit doigt fourchu : Satan est l’ennemi du genre humain car il hait Dieu, prétendant devenir son égal par orgueil. Dans ce combat cosmique, l’homme, s’il est isolé, est perdu. Seule l’Eglise, héritée des apôtres, a le pouvoir d’exorciser. C’est peut-être oublier que les fidèles des autres voies religieuses exorcisent de leur côté !
Si le diable fait tellement de dégâts, comment expliquer que l’Eglise catholique ne réagisse pas davantage ? Remarquez : l’auteur a une réponse immédiate : le Vatican serait partiellement infesté lui aussi ! Mieux encore : de quelle façon rendre compte de l’indigence quantitative actuelle des exorcistes (nommés officiellement par un évêque en titre) ?
Jusqu’à la fin du XIXe siècle, maintes maladies psychologiques sont confondues avec des ‘possessions’. Les progrès de la connaissance ont fait reculer ces états-limites jusqu’à l’extrême rareté : Don Amorth en convient, avouant que les cas réels de possession demeurent très exceptionnels ! Deux choses l’une : soit Satan se déchaîne, soit il fait la sieste. Sur le plan intellectuel, ces deux hypothèses sont inconciliables.
Diviser artificiellement les croyants en clans irréductibles est une maladresse sociologique et une réduction théologique. Mais convenons que les ‘psychologisants’ expriment la religion ‘soft’ du catholicisme contemporain (ouverture aux sciences, au dialogue interreligieux, à l’œcuménisme, etc.) tandis que leurs adversaires traduisent une sensibilité plus ‘hard’, repliée, combattive, parfois ouvertement nostalgique (méfiance envers le concile Vatican II, défiance de la pensée moderne traduite en ‘modernisme’, littérales de la Bible…). Les uns ne croient pas à l’existence des forces des ténèbres, les autres y croient, dur comme fer. Don Amorth fait partie de ceux-là.
Et notre auteur d’annoncer clairement la couleur, comme jusqu’à citer l’origine démoniaque des « autres religions » : « le bouddhisme et le mahométisme sont les favorites du démon car elles sont fausses » ! (p. 200). Voici une intéressante révélation de la bouche même de Satan (mais possède-t-il une bouche comme nous autres ? Et les anges bienheureux ont-ils un sexe ?).
L’éditeur n’a rien ‘censuré’. Les propos de notre star s’étalent sans équivoque. Des morceaux de choix se disputent la vedette. Par exemple, saviez-vous que le diable provoque des troubles de l’érection ? Jusqu’ici, je pensais le contraire ! La sexualité n’était elle pas jadis assimilée au péché ? Eros n’est-il pas l’adversaire d’Agapè ?
Un fil rouge court à travers ces pages : le bien-fondé et l’utilité thérapeutique des exorcismes, élevant la démonologie au rang de science, le sel et l’eau bénite à celui de haute technologie médicale.
Et voici un ‘scoop’ : des fœtus seraient « déjà possédés du démon » ! C’est un maléfice lancé par l’entourage contre lequel il faut célébrer un baptême « prénatal » (p. 123). Je n’invente rien ; je consigne honnêtement les délires de chacun.
À la page 67, vous croyez avoir la berlue. Nous touchons un sommet : il existe une vie au-delà de la mort et ce « fait est démontré » (oui, vous avez bien lu) par « l’anthropologie » (religieuse ? politique ? culturelle ?), les « comptes-rendus historiques » (lesquels ?) et même (en dernière position) « des autres religions » ! Je croyais naïvement que la foi n’était pas de l’ordre de la preuve. Vous comme moi, nous en apprenons chaque jour.
Sur la question des mœurs, l’auteur ne ménage pas son énergie. Le monde est aux mains des puissances sataniques à cause des « sorciers », « occultistes » et autres « jeteurs de sorts », tous décadents, tous vendus (au diable) ! Les ‘erreurs’ modernes ne sont pas illusions humaines mais tromperies diaboliques, comme les « mariages gays » et l’occultisme ! (ce rapprochement inattendu est cité noir sur blanc aux pages 253-254).
Je fais silence sur l’ami de Don Amorth, Milingo, évêque catholique d’origine africaine passé à la secte Moon, mariée puis rentré dans le giron de l’Eglise, soit dit en passant par la petite porte après en avoir été moralement ‘défenestré’. Chacun a droit à son parcours, fût-il inattendu.
Enfin, comment taire ‘Medjugorje’, ce haut lieu de la foi selon Don Amorth ? Cet espace d’apparitions (Bosnie) défraie la chronique depuis 1981, recrutant de nombreux adeptes dans les cercles férus de ‘mariologie’.
L’ennui est le suivant : Medj’ (pour les initiés) n’a jamais été reconnu par les autorités catholiques et les informations récentes incitent à penser le contraire ! Comment Don Amorth conciliera-t-il son goût pour ce pèlerinage non admis et l’obéissance due à ses supérieurs ? Vous le saurez au prochain numéro !
Voici un livre dont le principal mérite – tu par l’auteur – est de montrer la division entre catholiques modérés et catholiques intransigeants sur fond d’actualité satanique, entendez ‘pathologique’.
Car il s’agit bien d’une actualité allant à l’encontre de l’ordre public (profanations d’églises et de cimetières, phénomènes sectaires, etc.) contre laquelle des explications par trop manichéennes, des suppositions abstraites et des coups de goupillon n’auront aucun effet !
Finalement, depuis des lustres, rien n’a changé sous le soleil de Satan ! Et moins encore dans l’imaginaire des hommes !
Père Gabriele Amorth, Confessions. Mémoires de l’exorciste officiel du Vatican, Paris, Michel Lafon.
Etes-vous déjà aller à « Medj' » pour dire quelque chose de cohérent ou de subjectif à ce propos???
Merci de votre réponse …
Bien cordialement,
Clothilde COLIN
Je reprends sans faute d’orthographe… Etes-vous déjà allé à Medj’??