Noël en Provence

/En terre provençale se perpétue plus qu’ailleurs l’authentique esprit de Noël.
Au son des fifres et tambourins, le mystère de la Nativité se prépare officiellement à partir du 4 décembre, jour de la sainte Barbe, et s’achève le 2 février, jour de la Chandeleur qui rappelle la purification de la Vierge Marie.

Certes, le personnage de dom Balaguère, avec  ses Trois messes basses peut raviver les consciences oublieuses en apportant à ces 40 jours festifs, une saveur particulière dont le fumet suave des oies grasses rôties se diffuse bien au-delà du massif de la Montagnette, au dessus de Barbentane. Mais avec ou sans Alfred Daudet, la Provence toute entière attend avec impatience l’arrivée de ces réjouissances pour y participer allègrement.

Le Conseil général des Bouches-du-Rhône n’hésite pas à apporter une logistique efficace à l’ensemble des événements programmés spontanément un peu partout sur son territoire, mesurant les avantages qui peuvent être tirés sur l’étendue de tout le département par la promotion d’un « tourisme de Noël ».

Nous venons d’en faire l’expérience.

L’offre touristique proposée dans la région de n’est pas seulement exceptionnelle. Elle permet en quelques heures de replonger dans un environnement façonné de valeurs authentiques, naturelles et simples, propres à procurer de durables instants de félicité pour les petits et les grands.

Mais avant de suggérer un programme et de donner quelques bonnes adresses, considérons un instant ce petit monde de la crèche, et plus particulièrement celui de la crèche provençale dont l’origine remonte à la fin du XVIIIe siècle, lorsque l’anti cléricalisme révolutionnaire avait fait fermer chapelles, églises, abbatiales et cathédrales.

En 1797, pour célébrer la Nativité dans le cadre devenu domestique, un marseillais, Louis Lagnel, façonne alors dans l’argile, matériau facilement disponible et bon marché, le premier santon. Bien vite, à côté de Marie, Joseph, l’âne, le bœuf les rois mages, les bergers et l’enfant Jésus apparaissent l’ange Boufareu, les pâtres joueurs de fifre, le ravi, la marchande de poissons, le bohémien, la laitière…

Ainsi, avec ses innombrables santons, la crèche provençale, comme peut-être aussi son modèle napolitain, constitue une petite société idéale.

Une brève analyse sociologique mérite de retenir un court instant encore notre attention :

En effet, un rapide coup d’œil permet de constater que chaque personnage de ce petit peuple trouve sa place dans une diversité réunissant presque côte à côte « bons et méchants ».
/Cette formulation n’est pas unique et n’est pas réservée aux crèches de nos enfances. Déjà, au milieu du XVIIIe siècle, le duc de Lorraine Stanislas Leszczynski (1677-1766), et avant lui son compétiteur sur le trône polonais, Auguste le Fort (1670-1733), avaient aimé construire ces théâtres mettant en scène une population toute entière. Le premier d’entre ces deux souverains fait encore mieux que le second qui s’était contenté de demander au meilleur orfèvre de Dresde de lui figer dans l’argent, l’or et les pierres précieuses la « cour du Grand Mogol ».
En effet, à Lunéville, en contre bas de son château et au bord d’un canal qu’il fait creuser à cet effet, le roi Stanislas fait aménager son fameux Rocher où une centaine d’automates grandeur nature, sur 250 mètres de long, s’animent pour recréer les activités d’une communauté rurale occupée à ses divers travaux champêtres.  Mais il ne faut pas s’y tromper, cette composition paysagée, inégalée jusqu’à ce jour, vise un propos plus pédagogique dépassant le seul divertissement visuel.

Auteur de différents ouvrages sur le « bon » gouvernement des hommes, Stanislas cherche à montrer par cet arrangement mécanique la justesse de ses théories.

Appliqués en politique ses principes de bienfaisance apporteraient un bonheur durable aux gouvernés, comme le montrent ces automates occupés à des activités variées ou illustrant des tempéraments divers : on y retrouve une population laborieuse constituée d’artisans, de paysans, mais également un ermite, en oraison, figé dans sa grotte ainsi qu’un meunier qui bat sa femme…

Il en va de même pour la crèche provençale. Si le propos n’exprime bien évidemment pas les mêmes références, il ne s’articule autour d’aucune fracture. On n’y trouve nulle référence aux idéologiques binaires fracturant les sociétés humaines en groupes opposés pour venir s’affronter et faire dominer un parti sur un autre. Le peuple des santons cheminent sereinement en direction de l’étable où reposent l’enfant Jésus qui capte toutes les attentions et tous les regards.

Voilà ce qui rend finalement le spectacle de la crèche si insupportable aux yeux de nos édiles partisans. Cette société idéale et paisible irrite démagogues et idéologues car elle ruine un fonds de commerce qu’ils exploitent depuis plus de deux siècles.

Mais revenons comme promis à Marseille et à sa région.

Il n’y aura pas assez d’un long week-end pour épuiser toutes les ressources touristiques proposées de décembre à février.

/Une fois arrivé à Marseille, le circuit peut débuter  par la visite (trois étoiles) du musée des Arts et traditions populaires, crée en 1928 par Jean-Baptiste Juline-Pignol (5, place des Héros – château Gombert – 13013 Marseilles ; 04 91 68 14 38). Féérique espace, dans lequel les enfants seront émerveillés par une muséographie mise à leur portée. Ils y découvriront, avec des personnages grandeur nature, la préparation du grand souper, le soir du 25 décembre, avant de figer leurs regards sur l’importante collection de crèches provençales présentées dans des salles qui ont su conserver la magie de leur disposition originelle. On pourra s’installer ensuite à la table gastronomique du restaurant attenant. Après cette première étape, on descendra en direction du port pour découvrir le marché des santons organisé avant Noël au bas de la Cannebière.

Les voici tous au garde-à-vous ces santons de Provence qui attendent de pouvoir peupler les intérieurs les plus divers. Les bataillons produits par les ateliers de Marcel Carbonnel (04 91 54 26 58, boutique en ligne) sont en ordre de marche, bien conventionnels, au style définitif qui fait l’admiration de tous.
800 modèles différents offrent sur leur étalage une panoplie chatoyante unique. La finesse d’exécution est impressionnante : beauté des coloris, élégance des postures, délicatesse des motifs….
Depuis 1998, les santons Campana se sont affranchis de ce modèle de référence pour apparaître plus réalistes. Eux aussi sont entièrement réalisés à la main, mais ils portent des costumes confectionnés en tissu au modelé très recherché à l’instar de ceux produits à Aubagne par Castelin Peirano dont il est possible de visiter l’atelier (04 42 03 19 11). On trouvera tout les accessoires nécessaires à l’implantation du décor : étable, ponts, maisonnettes, arbres, cyprès, moulins à vent, à aube, fontaines, puits, pigeonniers, bories, chapelles, roulottes…
La santonnière Véronique Dornier, installée dans le village de Brantes (04 75 28 01 66) pare ces petits personnages de tonalités bleues originales. Les ateliers Arterra de Marseille préfèrent les dégradés de blancs. Mais, à notre avis, la palme revient à Evelyne Ricord qui travaille en Arles (06 12 46 63 88) et qui retrouve un savoir faire renouant avec la production originelle de la fin du XVIIIe siècle : les oreilles de l’âne, comme autrefois, sont réalisées en cuir ; les costumes admirablement peints prennent les couleurs des imprimés provençaux ; les attitudes des personnages ou des animaux et notamment celles des agneaux avec leur mère sont le fruit d’observations prises sur le vif.

Après le merveilleux qui se renouvelle successivement devant chacune des échoppes de la cinquantaine d’artisans réunis en ce lieu, il conviendra de pousser ses pas jusqu’au quartier du Panier, tout proche, pour déguster les premières spécialités préparées par de véritables maîtres ouvriers de la gastronomie.
Les amateurs de chocolat  se rendront chez Xocoatl pour y déguster la production de Serge et Thierry Maino (28 Grand’Rue – 04 91 90 22 91) et pour  y découvrir une variété étonnante de goûts et de parfums. Un peu plus loin, de nouvelles saveurs attendent le promeneur au 68 rue Caisserie, pour découvrir les « navettes des Accoules » de José Orsoni (04 91 90 99 42). Dans sa boutique resserrée, celui-ci évoquera les lointaines origines de ce petit gâteau en forme de barque. Mais si l’on passe par là le soir de la Chandeleur, pourquoi ne pas attendre la bénédiction des navettes qui anime une fois encore tout le quartier. Enfin, il ne faut pas hésiter à monter jusqu’à la place de la Tenche pour entrer chez le Glacier du Roi (04 91 91 01 16), installé sur les lieux où Louis XIV et Anne d’Autriche ont séjourné lors de leur venue en Provence. Un choix inattendu de saveurs attend les palais des plus délicats gourmets !

/Le lendemain, après une journée bien remplie, pourquoi ne pas pousser jusqu’à Aubagne, ville natale de Marcel Pagnol, qui a revêtu des habits de fête dans toutes les artères de la vieille cité.
Une crèche panoramique est installée sur l’esplanade De Gaulle. Une autre, uniquement composée de santons créés par Thérèse Neveu, la célèbre santonnière aubagnaise du début du XXe siècle, est présentée  dans l’église Saint-Sauveur.
Si le grand marché santonnier qui se déroule tous les deux ans (et qui à lui seul peut justifier le déplacement) a déjà fermé ses portes, le marché aux santons et à la céramique se poursuit jusqu’au 31 décembre au même endroit.
Nombre d’événements scandent ainsi  le Grand Noël d’Aubagne, comme une chasse au trésor de l’ange Boufareu du 1er au 31 décembre, ou les samedi 18 et dimanche 19 décembre, le spectacle du gros souper.
Le point culminant reste bien sûr la célébration de la messe de minuit qui débute à Saint-Sauveur à 23 heures avec la cérémonie du pastrage et l’arrivée des santons vivants suivis de leurs troupeaux, des joueurs de tambours et de fifres. Une autre précédée d’une veillée traditionnelle en présence de groupes folkloriques débute au même moment à la chapelle de Saint-Pierre les Aubagne. Cuges les Pins, Roquevaire (église Saint-Vincent), Saint-Zacharie (église Saint-Jean-Baptiste) accueillent également fidèles et crèches parlantes.

L’Épiphanie (6 janvier) et la Chandeleur offrent d’autres cérémonies tout aussi festives. Le 8 janvier, à 16 h 30, les Rois Mages arriveront à Aubagne et défileront au cœur de la cité, au son des fifres et des tambourins, distribuant des friandises aux enfants sages.
Le 2 février s’achève hélas ces fêtes calendales avec l’espoir du renouveau qui s’annonce et qui perce déjà dans la nature.

Notre petit peuple peut alors s’assoupir durant une dizaine de mois dans une litière faite de papier de soie et protégée par des boîtes en carton.

Il se réveillera comme par enchantement le 4 décembre prochain.

Ce jour-là à Aubagne, se dresseront de nouveaux étals sur le cours Foch, on plantera le blé de la sainte Barbe pour renouer avec un rite agraire pluri millénaire en espérant qu’il apporte bonheur et prospérité, et lorsque le jour sera tombé, une nouvelle fois, les santons vivants suivis de leurs troupeaux redescendront depuis la place de l’église les ruelles du vieux bourg, une fois encore les prémices de la Nativité feront tressaillir de joie enfants, parents, amis, « estrangers » ou provençaux, faisant fi des tristes sires parisiens et de leurs grincheux consorts !

Pratique :

Office du Tourisme de Marseille                                                   Office du Tourisme d’Aubagne
4, la Cannebière                                                                                 8, cours Barthélémy
13001 Marseille                                                                                  13400 – Aubagne
04 91 13 19 73                                                                                     04 42 03 49 98

www.marseille-tourisme.com

www.oti-paysdaubagne.com

www.marseille-tourisme.com

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