Droit de réponse à Stéphane Hessel

/Le succès inattendu (mais peut-être pas tant que cela) de la brochure de Stéphane Hessel, Indignez-vous ! a fini par en indigner plus d’un. Mais que nul ne s’indigne de cette indignation ! Stéphane Hessel l’écrit lui-même : « Je vous souhaite à tous, à chacun d’entre vous, d’avoir votre motif d’indignation. »

Orimont Bolacre a décidé de répondre à cette indignation.

Tenons-le nous pour dit, toute indignation, quelle qu’elle soit est bonne en soi, puisque justifiée par Monsieur Hessel, héros de la résistance et qui assure que « le motif de la résistance, c’est l’indignation. » C’est donc ce qu’a fait Pierre Jourde dans un article publié sur le site du Nouvel Obs que vous trouverez ici : http://pierre-jourde.blogs.nouvelobs.com/archive/2011/01/21/le-vieux-monsieur-indigne1.html.
Pierre Jourde a trouvé des motifs d’indignation autres que ceux de Stéphane Hessel. Et alors, n’est-ce pas sa liberté ? Il est indigné par les propos de Stéphane Hessel. N’a-t-il pas le droit de l’écrire ? Visiblement non, à en juger par les commentaires d’une rare violence et d’une extrême mauvaise foi que plusieurs visiteurs ont laissés.

Ces mêmes personnes qui prennent la défense de Stéphane Hessel veulent censurer les motifs d’indignation de Pierre Jourde. Est-ce un travers de notre époque de glorifier certaines valeurs comme la liberté d’expression et de condamner dans le même temps ceux qui en font un autre usage que nous ? Peut-être pas.
Tous les dictateurs ont usé de cette méthode. Beaucoup d’écrivains aussi, et parmi les plus grands, et à toutes les époques, et parmi les meilleures consciences de leurs siècles : Voltaire, Breton, Aragon, Sartre…

S’indigner de la cabale anti-israélienne relayée jour après jour par les médias, les pipoles et les bonnes consciences de l’époque ne serait pas un bon motif d’indignation. Ce serait simplement le signe d’une allégeance faite au pouvoir, au plus fort, au CRIF, aux financiers, aux Américains etc.
Prendre la défense de l’État d’Israël, non pas pour tout ce qu’il fait mais par refus d’une lecture manichéenne et idéologique de l’histoire, ce serait se vendre au grand complot des puissances juives et capitalistes. Bizarrement, ce genre de discours a des airs de déjà-entendu, de petits relents céliniens, dieudonniens. Mais cela n’indigne pas les ardents défenseurs du livre de Stéphane Hessel.

Un livre, vraiment ?
Plutôt, comme l’écrit Orimont Bolacre, un tract payant. Car c’est là que je voulais en venir, malgré ma digression initiale.
À la demande de Renaud Camus, Orimont Bolacre a répondu à Stéphane Hessel par J’y crois pas ! Sans s’indigner à tout bout de champ, car on peut s’indigner de tout sans jamais rien faire (ce qui n’est pas du tout le cas de Stéphane Hessel, faut-il le rappeler ?), il s’interroge sur le succès médiatique et éditorial de Indignez-vous !

Alors que Stéphane Hessel fustige une « société des sans-papiers, des expulsions, des soupçons à l’égard des immigrés, […] où l’on remet en cause les retraites, les acquis de la Sécurité Sociale, […] où les médias sont entre les mains des nantis », comment se fait-il, demande Orimont Bolacre que « des petites maisons d’édition jusqu’ici inconnues du grand public, aux tirages confidentiels, propulsent en un clin d’œil un de leurs livres à la meilleure place, à côté de la caisse, et parviennent à subvenir à la demande par centaines de milliers d’exemplaires sans la moindre rupture de stocks » ?

On se demande effectivement comment il est possible dans une telle société, si l’on approuve la justesse de l’analyse de Stéphane Hessel, que ce livre ait eu un tel succès médiatique et populaire ? Que toutes les télévisions et les radios aient invité Stéphane Hessel à venir en parler ? Qu’il ait vendu autant d’ouvrages en si peu de temps ? Les nantis s’indigneraient-ils autant que lui ? Ou ses motifs d’indignation ne feraient-ils que rejoindre ceux dont nous parle la presse à longueur de JT et de reportages ?

« Aux jeunes, je dis : regardez autour de vous, vous y trouverez les thèmes qui justifient votre indignation – le traitement fait aux immigrés, aux sans-papiers, aux Roms. »

Vraiment Monsieur Hessel, croyez-vous que les Français aient à rougir du sort qu’ils réservent aux immigrés, aux sans-papiers, aux Roms ? Croyez-vous que nous soyons revenus aux lois de Vichy et que la population s’en satisfasse ? Je crois que ce serait faire injure à la très grande majorité des Français. Quand M. Sarkozy et son gouvernement, qu’une infime partie de la France soutient encore aveuglément, demande à la police d’évacuer les camps de Roms, de déloger des sans-papiers, de freiner l’immigration, et même s’il le fait dans le respect de la loi (ce qui ne justifie pas un acte en soi car il y a aussi de mauvaises lois) tous les nantis de la presse, tous les nantis du showbiz et une très grande majorité de la France à leur suite s’indignent.

« Sous quelles latitudes existe-t-il une nation qui s’efforce de recevoir mieux les étrangers que la France ? Qui met à leur disposition, dans le cadre de la loi, toute une panoplie d’aides matérielles financées par tous ? Et d’où vient que, par une tournure d’esprit incompréhensible, certains de ses habitants historiques, ceux qui ont la parole, tiennent sans cesse à rappeler son inguérissable xénophobie, son racisme latent, son manque d’ouverture à l’autre, son passé honteux ? écrit Orimont Bolacre, jeune homme de 31 ans, faut-il le préciser ?

À croire que toutes les indignations se valent, on finit par s’indigner de tout et de n’importe quoi. Ne revenons même pas sur la vision manichéenne de Stéphane Hessel qui frise le grotesque concernant le conflit israélo-palestinien.
Comment peut-on écrire sans rire : « Je sais, le Hamas qui avait gagné les dernières élections législatives n’a pas pu éviter que des rockets soient envoyés sur les villes israéliennes en réponse à la situation d’isolement et de blocus dans laquelle se trouvent les Gazaouis. » Ce qui est un peu plus étonnant, c’est que sa justification du terrorisme n’ait choqué personne, parmi toutes ces bonnes consciences. Est-ce parce qu’il la tire de Sartre et qu’un journaliste ne saurait s’attaquer à une telle « pointure » ?

Quoi qu’il en soit, et puisque j’ai à peu près le même âge que lui, il me semble avec Orimont Bolacre, qu’il y a bien d’autres choses dont il faudrait s’indigner aujourd’hui. (Non pas que le conflit israélo-palestinien ne puisse pas indigner mais cela me semble un peu plus complexe que ce qu’en dit M. Hessel.)

Évidemment, Monsieur Hessel, la très grande richesse des uns et la très grande pauvreté des autres nous indigne. Évidemment le racisme nous indigne. Évidemment, les morts nous indignent.
Mais ce qui nous indigne aussi, c’est le sort que la France réserve à sa jeunesse. C’est le sort qu’elle promet à ceux qui l’ont faite depuis des siècles ; à ceux qui travaillent et ploient sous le poids des cotisations pour que ce pays puisse continuer de se glorifier d’avoir le meilleur système social du monde.

Ce qui nous indigne, c’est la vision en noir et blanc des nantis des médias, comme vous dites. Ce qui nous indigne, c’est de constater que vous-même, Monsieur Hessel, certainement à votre corps défendant, faites désormais partie de ces nantis qui, entrés dans l’Histoire, sont sortis de la vie. Ouvrez les yeux ! Les immigrés et sans-papiers bénéficient souvent de plus d’aides que les citoyens français. Quand un campement de roms est démantelé, toutes les télévisions sont là pour nous en informer. La France entière se mobilise pour les Roms. Là où j’habite, toute l’année sont organisées des manifestations autour de la culture des Roms, jusqu’à l’école publique.

Alors, non, vraiment, ne comparons pas ce qui se passe aujourd’hui à ce qui s’est passé sous l’occupation allemande ! Il y a certes des exaltés, des racistes, des zélateurs qui pondent des lois stupides en croyant se faire bien voir, il y a des nantis aussi, en France, mais ils sont une toute petite minorité.
Il suffit de vivre comme un citoyen de base pour s’en rendre compte.

Stéphane Hessel, Indignez-vous !, 28 pages, Indigène éditions.
Orimont Bolacre, J’y crois pas ! une réponse à Stéphane Hessel à la demande de Renaud Camus,
30 pages, éditions David Reinharc et Parti de l’In-nocence.

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