À un moment où la rive sud de la Méditerranée s’embrase, où un dictateur qui a commandité plusieurs attentats criminels en appelle à l’Occident pour soi-disant le protéger d’Al-Qaïda, où le monde sans gouvernance ni « leadership » vacille, où la France, suivant l’expression bien trouvée de Claude Imbert, se trouve dans le « pot au noir », c’est-à-dire va droit dans le poteau tout court, au gré des sondages qui ne la guident plus car l’aiguille est déboussolée, il reste quelques signes de réconforts.
Parmi ceux-là, figurent les décisions de la semaine dernière du jury des Césars, puis des Oscars qui ont consacré deux chefs d’œuvre allant à l’encontre de toutes ces dérives : pour les Césars « »Des hommes et des dieux » de Xavier Beauvois, pour les Oscars « Le discours d’un roi » de Tom Hooper, ces deux films étant déjà largement plébiscités par le public, montrant ainsi que le succès n’est pas antinomique de la qualité des œuvres.
On a beaucoup parlé de l’étonnement provoqué par l’engouement des spectateurs pour deux sujets austères. Dans le premier, film français, il s’agit du sacrifice allant jusqu’à l’acceptation de mourir en martyr d’une congrégation de religieux et de prêtres qui refusent de fuir l’Algérie et deviennent victimes innocentes, massacrées par des extrémistes.
Il n’y a pas d’actions, ni d’effets, ni d’images sensationnelles ou bouleversantes : seuls, les dialogues profonds, sincères, authentiques de ces religieux qui, tout au long de ces deux heures, se posent une seule et même question, entrecoupés d’offices religieux et de prières chantées : faut-il ou non quitter leur monastère, où ils ne servent pratiquement plus à grand-chose, sinon à soigner quelques malades, mais où ils portent témoignage de leur foi ?
J’ai déjà écrit sur le miracle de ces regards fascinés des spectateurs de la grande salle du Palais des Congrès de Cannes, pourtant en général sceptiques et blasés, lors de la projection au moment du festival 2010.
La consécration des trois prix aux Césars est une juste récompense qui doit en interpeller plusieurs.
Quant aux quatre nominations du film anglais de Tom Hooper, Le Discours d’un Roi, il nous pose encore plus de questions.
Il s’agit de l’histoire d’un roi, qui a failli ne pas l’être, en l’occurrence George VI, le père de l’actuelle reine d’Angleterre, Elisabeth II, et qui sût, par son exemple et ses discours, galvaniser pendant toute la guerre de 39-45 son pays en lui donnant courage et réconfort. Cette histoire est bouleversante dans la mesure où ce roi, étant atteint d’un trouble, le bégaiement, qui le disqualifiait pour ce poste à un moment où intervenait, pour la première fois dans la pratique gouvernementale, l’utilisation de la radio et du micro, va réussir à surmonter son handicap et à tenir son rang. Grâce à un professeur de diction peu conventionnel et original, le roi tisse avec lui des liens de confiance et de complicité qui l’amènent à retrouver l’exercice normal et fluide de la parole.
Outre les qualités shakespeariennes de la mise en scène et du dialogue mêlant à chaque instant le rire et les larmes, ce film est une analyse profonde de la psychologie des êtres qui n’ont pas été assez aimés ou compris dans leur enfance. Dès lors, il nous incite, comme dans le cas du film de Xavier Beauvois, à beaucoup d’écoute, d’humilité et de compréhension des autres.
N’est-ce pas en définitive la leçon de ces deux films qui, non seulement, préconisent un retour à la morale et aux fondamentaux de l’existence, mais ouvrent aussi à une interrogation sur les vraies valeurs qui doivent nous guider dans ce monde superficiel ?
Ils signent le triomphe du sens du devoir pour lequel on doit se perfectionner, du respect et de la compréhension de l’autre.
[1] Edition du Point du 3 mars 2011, n° 2007.
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