Pourquoi faut-il défendre le livre ?

Par Catherine Morin-Desailly, Sénatrice  de la Seine-Maritime*

/Aussi loin que remonte ma mémoire, j’ai toujours été profondément attachée au livre. Enfant, je les ai dévorés.
Étudiante en Lettre Supérieures, je les ai étudiés. Je les ai découverts, aimés, admirés, recommandés, prêtés… Par-dessus tout, je les ai toujours défendus. Mon parcours politique, maire-adjointe à la culture d’une grande ville pendant plusieurs années et sénatrice, me permettent de le faire de façon construite et efficace.

On me demande parfois pourquoi cet attachement et cette implication dans la défense du livre. Pour répondre à cette question, je fais miens ces mots de Jean Guéhenno qui disait du livre qu’il est« un outil de liberté ».

Le livre est un témoin de notre passé qui éclaire notre présent et nous invite à réfléchir sur notre futur. En participant à la transmission des savoirs, les écrits nous permettent de construire notre propre réflexion.

Le philosophe Alain écrivait « Ce n’est pas peu de chose que de méditer sur un livre; cela dépasse de bien loin la conversation la plus étudiée. »
La loi sur le prix unique du livre a permis de maintenir vivant et dynamique un réseau de librairies indépendantes, véritables animateurs culturels de nos territoires et, bien sûr, une très grande diversité éditoriale.
Si cette loi a prouvé son efficacité, le livre se retrouve aujourd’hui confronté à de nouveaux enjeux ; le premier d’entre eux est la révolution numérique. Elle promet à chaque lecteur un accès universel et intemporel aux savoirs ! On rêve d’un livre vivant dont les notes de bas de page seraient transformées en liens direct vers les sources d’informations.
Le livre numérique peut donner un second souffle à une industrie en perte de vitesse. L’une des plus grandes révolutions qu’a connu notre civilisation est la création de l’imprimerie. N’oublions pas que l’œuvre de Gutenberg suscita à l’époque de vives inquiétudes.

Aujourd’hui l’inquiétude renait face au livre numérique. Mais je ne crois pas que la numérisation maitrisée signe la fin du livre. Elle est plutôt son renouveau contemporain. Il faut toutefois se garder d’assurer l’accès aux plus grands nombres des œuvres culturelles tout en respectant la chaine de création et une juste rémunération de tous les acteurs.
Mes actions en faveur du livre sont multiples. Adjointe à la culture du Maire de Rouen pendant 8 ans, j’ai porté notamment le projet de création d’une médiathèque que nous voulions tête de réseau des bibliothèques régionales. Je regrette qu’en arrivant aux affaires, la nouvelle équipe municipale ait décidé de stopper ce chantier et que le nouveau maire ait préféré construire à la place une bibliothèque de quartier. Je me suis farouchement battue pour que les Rouennais ne soient pas privés d’un équipement culturel ambitieux pour des raisons purement politiciennes.

En tant que sénatrice, j’ai notamment fait adopter un amendement pour que le livre numérique bénéficie, au 1er janvier 2012, d’un taux de TVA réduite, identique à celle du livre papier. Cette année, j’ai défendu un alignement du taux de TVA pour la presse en ligne à celle papier.

Cette semaine, c’est contre le passage de la TVA de 5.5 % à 7 % sur le livre que me suis élevée. Ainsi, j’ai proposé que le taux réduit à 5.5 % soit maintenu pour tous les livres (imprimés et numériques). A défaut, j’estimais qu’un report d’application au 1er avril 2012 était impératif. Ainsi, les 10 000 éditeurs français pouvaient modifier leurs prix et les systèmes informatiques pouvaient faire l’objet des mises à jour nécessaires. Ce délai aurait également permis aux libraires de diminuer une partie de leurs stocks. Enfin, la clôture des comptes des libraires s’effectuant le 30 mars, la date du 1er avril leur permettait de commencer une nouvelle année comptable avec un taux de TVA de 7 % et ainsi de mieux estimer les coûts de cette réforme pour les professionnels. Je regrette que le Sénat n’ait pas adopté ces propositions raisonnables et de bon sens.

J’espère que les députés, qui auront le dernier mot sur ce texte, sauront s’en saisir.
Fiscalité européenne, soutient aux projets français tels que Gallica ou le portail « 1001librairies.com »… les projets sont nombreux. C’est avec détermination que je poursuivrai la défense du livre car finalement qui sait ce que sera le paysage culturel du monde dans les trente ans qui viennent ?

* Catherine Morin-Desailly est Sénatrice Nouveau Centre de la Seine-Maritime, Vice-présidente de la Commission de la Culture, de l’Education et de la Communication depuis 2008. Elle préside le groupe d’études « Médias et Nouvelles Technologies » au Sénat. Elle a été membre du Groupe de travail sur la crise de la presse en 2007 présidé par Louis de Broissia, et membre des Etats généraux de la Presse écrite en 2008, représentant le Sénat.

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